Drame de N’Zérékoré: l’interview-vérité de Me Gbilimou sur la plainte contre des responsables civils et militaires

il y a 18 heures 67
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Plus de trois mois après la tragédie meurtrière du stade de N’Zérékoré ayant coûté la vie à plus de 140 personnes, le collectif des avocats en charge de la défense des victimes de ce drame a déposé au nom de celles-ci, une plainte au parquet du tribunal de première instance de N’Zérékoré.

Plusieurs responsables civils et militaires sont visés par cette plainte qui porte sur des faits de meurtre, d’homicide involontaire, de non-assistance de personnes en danger, de mise en danger de la personne humaine, de vol, de coups et blessures volontaires, d’administration de substances nuisibles à la santé publique, de trafic d’influence, entrave à la saisine de la justice entre-autres. C’est du moins ce qu’a confié l’un des avocats des victimes. Dans une interview qu’il a accordée à la rédaction de Mosaiqueguinee.com, Me Paul Lazard Gbilimou révèle qu’il s’agit d’une dizaine de personnes suspectées d’avoir commis ces crimes. Il répond aux questions de Mohamed Bangoura

Mosaiqueguinee.com : Bonjour Me Paul Lazard Gbilimou ? Le collectif des victimes du stade de N’Zérékoré a déposé une plainte par devant le tribunal criminel de N’Zérékoré.

Me Paul Lazard Gbilimou : La plainte a été déposée le lundi 10 mars 2025 à 11h05 au parquet du tribunal de première instance de N’Zérékoré. Nous avons porté plainte pour diverses infractions, dont entre autres les infractions de meurtre, d’homicide involontaire, de non-assistance de personnes en danger, de mise en danger de la personne humaine, de vol, de coups et blessures volontaires, d’administration de substances nuisibles à la santé publique, et tant d’autres, dont également le trafic d’influence, entrave à la saisine de la justice. Voilà, ce sont les quelques-unes des infractions que nous avons visées dans notre plainte.

Alors, quelles sont les personnes visées par cette plainte ?

Les personnes visées par cette plainte, pour le moment, on s’est dit qu’on se réservait de diffuser leur identité en attendant que le procureur de la République donne une suite à la plainte. Mais soyez rassurés, comme il n’est de secret pour personne, qu’en premier lieu ce sont les organisateurs de l’événement qui seront suivis, également ceux qui étaient censés ou qui sont censés avoir le pouvoir de sécuriser la personne humaine à N’Zérékoré, et tant d’autres. Ils sont nombreux, on vous le dit, ils sont nombreux.

Ils sont nombreux vous dites. Mais exactement, il y a combien de personnes visées par cette plainte ?

 On ne peut pas déterminer leur nombre, on a visé des personnes bien déterminées, bien connues, identifiées avec leurs fonctions et également d’autres que nous ne pouvons pas identifier, que nous avons estimées autres. Mais pour le moment, il y a une dizaine de personnes qui sont visées.

Des militaires y compris ?

Des militaires y compris, oui. Des administrateurs locaux, des médecins non, mais des administrateurs locaux oui.

Vous voulez parler du gouverneur, du préfet, du président de la délégation spéciale ?

On ne vise pas tel ou tel, mais ce qui est clair, il y a des autorités civiles et militaires.

On parle aussi du directeur régional de la police et de celui de la gendarmerie, c’est vrai ?

Vous êtes curieux, je sais, mais soyez rassurés que vous aurez la bonne information dans les heures à venir. Parce que le parquet nous a donné rendez-vous nous allons aller recevoir la suite qui a été réservée à la procédure.

On va à présent évoquer les enquêtes. A quel niveau elles se situent ?

C’est d’ailleurs ce qui a prévalu à ce dépôt de plainte, parce qu’il a été annoncé l’ouverture d’une enquête. Une enquête qu’on exerce à l’insu des victimes, à l’insu des parents de victimes, qui n’ont jamais été reçus, même un seul n’a jamais été reçu. Aucun témoin n’a jamais été reçu, mais on nous dit simplement qu’il y a une enquête qui est ouverte. Contre qui cette enquête est ouverte ? Bien entendu que nous, nous savons qui sont ceux qui sont à la base, mais on n’inquiète personne. On n’inquiète personne, c’est pourquoi nous avons pris vraiment notre responsabilité en main et on a décidé de porter plainte, de déposer une plainte régulière. Maintenant, il reviendra au parquet d’instance générale près la cour d’appel de Kankan, de se mouvoir afin que ces victimes qui continuent à pleurer, ces parents des victimes qui ont les larmes aux yeux, puissent avoir qu’il ne reste qu’une petite satisfaction aux yeux de la loi.

On apprend qu’une commission d’enquête administrative avait été mise en place pour enquêter. Elle a terminé son travail et remis le rapport au premier ministre Bah Oury. Les victimes ont-elles été entendues par cette commission ?

Nous avons appris également la même chose, mais aucune victime n’a été reçue par cette commission. Aucune commission, comment on l’appelle, aucune des victimes ou parents des victimes n’a été reçue par cette commission administrative. Nous avons vu à la télé, à la RTG, la remise du rapport que la commission a déposé au Premier ministre. Mais ce qui est clair, aucune personne, victime ou parent des victimes, n’a été reçue par cette commission.

Connaissez-vous le contenu dudit rapport ?

On a demandé la mise à disposition du rapport qui n’a pas été fait encore. Mais ce qui est clair, il y a une enquête qui a été menée par des organisations de défense des droits de l’homme. Cette enquête a abouti à un rapport qui a été publié depuis le mois de février 2025. Donc ce rapport est plus crédible, nous le disons, parce que ça, ça a été publié et c’est à la disposition de tous. Vous, la presse, vous avez copié ce rapport, qui est nécessairement plus crédible que l’autre rapport qu’on essaie de créer de mythes autour. Parce qu’un rapport, lorsqu’il est établi, il doit être public, il doit être à la disposition de tous, pour des questions de réserve et autres. Malheureusement, ce rapport n’est pas à la disposition de tous.

A date, il y a combien de victimes ? Est-ce que vous êtes fédérés autour d’une organisation pour la défense des victimes ?

Les victimes sont en train de se réunir autour d’une organisation, d’une association, pour le moins de fait, parce qu’elle n’est pas encore dotée d’une personnalité juridique en ce qui est de l’agrément. Et nous sommes convaincus qu’elles auront toutes les difficultés à avoir l’agrément. Mais cela ne peut pas être vraiment une entrave ou un contre-poids par rapport à notre action. Ce qui est clair, il y a énormément de victimes. Il y a plus de 140 morts. Selon le rapport des organisations non gouvernementales, il y a eu plus de 140 morts. Il y a eu 11 disparus et des blessés graves.

Vous n’avez toujours pas de nouvelles en ce qui concerne les disparus ?

Jusqu’à présent, on n’a pas de leurs nouvelles. Il risque même d’y avoir plus, parce que ces disparus, ce sont des gens dont on a au moins prouvé leur existence dans le passé, à travers au moins un acte de naissance ou une photo ne serait-ce qu’au stade. Ce qui est clair, c’est qu’il y a eu des morts, il y a eu des disparus, des blessés. Le nombre est très élevé relativement à celui que le gouvernement avait publié.

Est-ce que les blessés ont été pris en charge ? Est-ce que tout le monde s’est rétabli à date ?

Malheureusement, ces blessés, il y a eu des annonces d’en face. Il y a eu des annonces faites par le gouvernement qui avaient décidé de la prise en charge des blessés mais qui avaient été abandonnés certains à l’hôpital Sino-Guinéen.

Des blessés abandonnés vous dîtes ?

Oui et pour se sauver la vie, ils ont décidé de faire face à leur propre traitement, en raison du coup elevé des médicaments. Et d’aucuns sont même allés à l’indigénat. Ils ont préféré aller à l’indigénat par manque de moyens de suivre le traitement à l’hôpital. Et il y a le cas d’un jeune qui est très très palpable. Le jeune Étienne Kolié, qui a été persécuté par un pick-up de la gendarmerie Et dont la hanche est fracturée. Le cou et l’épaule entorsés. Il avait été envoyé au Maroc, abandonné au Maroc. Sur l’insistance des parents et des avocats, il a été envoyé au Maroc. Et après, avec un accompagnement de 500$. Personne d’ailleurs n’est à côté de lui, il a été envoyé seul au Maroc, je vous le dis. On ne sait même pas s’il a subi vraiment des traitements là-bas. Mais nous avons appris avant-hier que le jeune a été ramené à Conakry. Et il est encore abandonné à l’hôpital Sino-Guinéens.

Dernière question, si votre plainte n’aboutit pas en Guinée, qu’allez-vous faire ?

Nous devons d’abord épuiser toutes les voies de recours à l’interne. À l’interne, quand je dis à l’interne, auprès des juridictions guinéennes. Au moment venu, s’il n’y a pas de suite, nous tâcherons d’exploiter la voie internationale. Mais pour le moment, nous avons confiance et nous accordons du crédit à la justice guinéenne, à l’autorité politique guinéenne, qui va, je crois, mettre tout en œuvre pour que ces victimes, ces parents des victimes puissent savoir la cause qui leur reste de la mort, des blessés, de leurs proches. Et après, on saura ce qu’il faut faire. Mais pour le moment, on les accorde quand même du crédit. Et nous sommes convaincus qu’une poursuite sera engagée contre ceux-là, de près ou de loin, qui sont mêlés à cette tragédie.

Vous dites explorer les voies d’une justice internationale. Vous faites référence à la cour pénale internationale ?

Je ne l’ai pas dit. La cour pénale internationale n’est pas la seule justice à l’international. Il y en a d’autres qui sont même africaines. Il y en a d’autres qui sont sous-régionales. Donc, nous avons toutes ces possibilités. Mais pour le moment, nous nous en tenons à l’action que nous avons entamée à l’interne.

Merci à vous, M. Maitre Lazare.

Merci bien, M. Bangoura.

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