Dr Mohamed Keita : « L’honnêteté, c’est cette denrée rare qui nous manque [Guinée], car dans notre pays, tout le monde a un prix »

Le 20 mars 2025, s’est tenue à Conakry une rupture collective du jeûne placée sous le thème : « L’importance de profiter des 10 derniers jours du Ramadan et le changement comportemental ». Dr Mohamed Bintou Keita, Directeur général adjoint de l’Institut de recherche sur le patrimoine en linguistique appliquée (IRPLA), était l’imam du jour. Dans une vidéo postée sur Facebook, il a exhorté les fidèles musulmans à la repentance et à l’honnêteté.

Dans son allocution, Dr Keita a insisté sur l’importance de la générosité et du pardon en islam : « Même si c’est de l’eau que vous donnez à quelqu’un pour rompre le jeûne, vous avez la récompense. » Plus loin, il a exhorté les musulmans au repentir : « Notre religion est généreuse et nous permet de nous repentir à chaque fois. Le Prophète Mohammad (PSL) dit que Dieu nous dit que ses serviteurs, les plus aimés d’Allah sont ceux qui font des péchés et se repentent. […] Mais je pense qu’il n’y a pas mieux que ça. Allah, Il ne veut que du bien pour nous. Donc, profitons de cela. Quelqu’un qui est à fond dans sa religion est quelqu’un qui réussit ici-bas et à l’au-delà. »

Il a rappelé que l’honnêteté est une valeur essentielle, mais qu’elle fait défaut à la société guinéenne actuelle et a dénoncé la corruption morale qui gangrène le pays : « L’honnêteté, c’est cette denrée rare qui nous manque ici aujourd’hui, malheureusement, dans notre pays. Nous sommes tous devenus, en quelque sorte, des malhonnêtes. Vous m’excuserez du terme, mais c’est la société elle-même qui pousse les gens à cela. Vous êtes honnête, vous êtes sérieux, vous voulez bien faire votre travail, c’est vous qui avez tous les problèmes du monde. Celui qui fait bien son travail, qui veut que tout fonctionne normalement, est perçu comme un maudit. Même dans les mosquées, celui qui ramène beaucoup d’argent, c’est celui qui a volé le plus. On fera plus de prières pour lui que pour celui qui donne honnêtement selon ses moyens. On va même lire le Coran pour lui. C’est ce que je n’ai jamais compris dans ce pays. Allah est bien et Il n’aime que ce qui est bien, ce qui est beau. Et Allah est beau et à côté du beau, il y a le sacré. Allah a dit qu’Il a ordonné aux Envoyés ce qu’Il a ordonné aux croyants : mangez des bienfaits. »

Dr Keita a aussi dénoncé la marchandisation des consciences : « Aujourd’hui, malheureusement, dans notre société, il y a une corruption morale qui ne dit pas son nom. Et le problème, c’est que des gens dont on espérait qu’ils guideraient la communauté vers le juste milieu sont achetables. Malheureusement, dans notre pays, tout le monde a un prix. Il y en a, c’est 10 millions. Il y en a, c’est 100 milliards. Tout le monde a un prix. L’argent n’achète pas tout. Mais on a tellement mis le matériel en avant. »

Dr Mohamed Bintou Keita a ensuite insisté sur le fait que Dieu ordonne aux musulmans de garder l’équilibre : « Dans la religion musulmane, Allah nous dit de garder l’équilibre. Allah nous dit quoi ? Donnez le juste poids de toute chose. Si on transpose cela dans la vie, vous donnez la juste valeur à chaque chose. Quelqu’un qui mérite quelque chose, vous lui donnez cela. Et ne perdez pas l’équilibre. Malheureusement, nous perdons l’équilibre dans notre société. Le plus fort mange le plus faible, et c’est une réalité. Dans les Écritures, il est dit qu’Allah aide un peuple dirigé par quelqu’un qui n’est pas croyant mais juste, plus qu’un peuple dirigé par un croyant mais qui n’est pas juste. »

Il a ajouté que le développement d’une nation passe avant tout par la construction humaine, regrettant que cette dimension soit souvent négligée : « C’est la construction humaine qui est le vrai développement. Aujourd’hui, quand on va à Khartoum, il n’y a pas un seul immeuble qui tient. Tout a été détourné. Et l’exemple de cela est partout. La construction humaine, c’est celle qui tient. C’est la vraie architecture. On va construire des mosquées, on va construire des routes, on va construire tout et tout. Mais si on oublie l’humain, on a oublié l’essentiel. La religion est venue pour nous construire. Il n’a pas mis de contrainte dans notre religion. »

S’inspirant des enseignements religieux, Dr Keita a conclu en appelant les figures publiques et les influenceurs à promouvoir des valeurs positives : « Il faut absolument que les personnes ayant une voix, qu’on appelle aujourd’hui les influenceurs, utilisent leur influence du côté positif. Parce qu’on en a tellement besoin dans ce pays. Parce que le développement, c’est aussi cela. »