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Pour améliorer l’approvisionnement en électricité du pays, le régime d’Alpha Condé s’était lancé dans la construction de plusieurs barrages hydroélectriques. C’est dans cette dynamique que, le 22 décembre 2015, le barrage de Souapiti a été inauguré. Érigé sur le fleuve Konkouré, il affiche une capacité installée de 450 MW et représente un tournant majeur pour le développement énergétique de la Guinée.
Cependant, derrière cette avancée infrastructurelle se cache une réalité bien plus sombre : des milliers de personnes déplacées, privées de leurs terres et plongées dans une précarité extrême.
L’ampleur des impacts du barrage sur les populations locales est considérable. Selon Diallo Alseny, secrétaire administratif de l’Union des Impactés de Souapiti, plusieurs préfectures et sous-préfectures ont été durement affectées :
« Le barrage Souapiti c’était vraiment l’espoir de tout un peuple. Mais à date, nous pouvons dire que cet espoir a été vraiment une désillusion. Ce barrage impacte quatre préfectures. Premièrement, nous avons la préfecture de Dubréka, deuxièmement, nous avons Télimélé, nous avons aussi Pita et Kindia. Et parmi ces quatre préfectures, nous avons aussi cinq sous-préfectures impactées, notamment la sous-préfecture de Tondon, la sous-préfecture de Kölet, la sous-préfecture de Senta, de Sangareya et la sous-préfecture de Bangouya, qui est la plus grande sous-préfecture impactée, mais aussi une partie de la commune urbaine de Kindia. » A declaré Diallo Alseny secrétaire administratif de l’Union des Impactés de Souapiti.
En échange des sacrifices consentis par les populations, des indemnisations avaient été promises. Mais selon Alseny Diallo, elles ont été attribuées dans une opacité totale, laissant les communautés locales dans une grande frustration. D’après lui, la valeur des biens, notamment les maisons et les plantations, n’a jamais été clairement communiquée aux impactés :
« Avant l’indemnisation, il y a eu des études qui ont été faites. Quand les études ont été faites, ils ont procédé à l’indemnisation. Mais malheureusement, nous les fils du terroir on n’a été associés à rien. Ils ont fait pelle-mêle les indemnisations. Quand ils recensent une famille, ils ne tiennent pas compte du ménage. Et dans une même famille, il peut y avoir plusieurs ménages. C’est-à-dire, quand le père a trois fils qui sont mariés, il y a aussi des enfants, ils prennent seulement le nom du père. Ce n’est pas leur problème, le reste. Le ménage ne compte pas. Ils construisent une seule maison, le père et ses enfants, ses petits-enfants, se retrouvent dans la même maison. Et vous savez, notre coutume ne nous le permet pas. Nous n’avons pas connaissance des fiches d’inventaires. Parce que ces fiches devaient contenir la valeur numéraire des biens. C’est-à-dire, si c’est une maison, on nous dit « Honnêtement, c’est à ça que la maison a été payée.» Mais on n’a pas connaissance. Les montants ont été des montants forfaitaires. Deuxièmement, la valeur des plantes, c’est-à-dire des plantes, des arbres fruitiers et non fruitiers, on ne nous a pas dit la valeur numéraire d’un arbre. Par exemple, quand vous plantez un oranger, il peut faire 5 ans avant de donner des oranges. On ne nous a pas expliqué les modalités d’indemnisation. Ça n’a pas été fait. À date, on a aucune fiche d’indemnisation. »
Au-delà des indemnisations contestées, les engagements pris en faveur des populations déplacées n’ont pas été respectés. Aujourd’hui, beaucoup peinent à survivre, privés de leurs moyens de subsistance.
« Il a été dit lors du recensement, que les terres, les bas-fonds devaient être compensés. Rien n’a été fait. Il y a 19 sites de réinstallation. Ils ont pris les gens, ils les ont mis sous le soleil. Ils les ont abandonnés. Donc, ces gens-là n’ont pas où travailler. Quelqu’un qui était habitué champ et à l’élévage, ses deux principales l’élévage et l’agriculture, vous l’envoyez, vous l’abandonnez comme ça. Sur une portion de terre. Comment est-ce qu’il va vivre ? Ils sont abandonnés à eux-mêmes. Il n’y a aucune activité génératrice de revenus. Au moins, il a été dit, sept ans après la réalisation du barrage, que cette la société de gestion était censée les accompagner Mais ils ne font absolument rien. C’est des promesses, de promesses en promesses. Nous ne comprenons absolument rien. »
Pire encore, certaines familles se retrouvent totalement sans abri, poursuit Alseny Diallo : « aujourd’hui, il y a 19 familles, à Dombele, dans la sous-préfecture de Bangouya, qui ont été déguerpies. Jusqu’à présent, ils n’ont aucun toit. Ils dorment à la belle étoile. Ils sont abandonnés à eux-mêmes. Pour un début, on avait payé six mois de location pour eux. Depuis lors, jusqu’à présent, rien n’est fait pour ces familles. Rien. »
Au-delà de l’impact sur les populations, l’environnement autour de Souapiti est également fortement affecté. De nouveaux phénomènes géologiques sont même observés :
« Il y a un tremblement de terre recurrent. Nos parents n’ont pas connu ça, nous n’avons pas connu ça de par le passé, avant la mise en eau du barrage. Les études ont été faites, des experts nous ont fait savoir que c’est la mise en eau du barrage. Et que, là où ils ont mis une plaque, il ne devait pas y avoir d’habitation à 10 kilomètres de rayon. Quand il y a tremblement de terre, tous les bols qui sont superposés dans les cases, s’effondrent. Les maisons sont fissurées. Les femmes enceintes avortent. Je jure. »
En 2015, Alpha Condé était en lice pour un second mandat. Bien connu pour ses promesses, il avait mis en avant Souapiti comme un argument pour obtenir des voix et briguer un second quinquennat. Pour Alseny Diallo, ce projet est une véritable arnaque qui a causé des désastres à sa communauté :
« Je le dis de vive voix, le projet Souapiti est la plus grosse arnaque du gouvernement Alpha Condé. Ils l’ont fait précipitamment. Il y a eu la mise en eau du barrage pendant qu’il y a des bêtes, des vaches qui étaient entourées par les eaux. Ces bêtes-là sont mortes là-bas, dans les eaux, sans aucune information. Pour vous dire que ces gens-là, tout ce qui les préoccupait, c’était de promettre le courant aux gens, mais malheureusement, ça n’a pas été le cas. Imaginez-vous, un barrage qui était prévu, 550 mégawatts, si ce barrage-là était travaillé dans les conditions meilleures, comme ça se doit, est-ce qu’on se serait retrouvé aujourd’hui avec des bateaux ? Non ! Ce sont eux qui ont créé tous les problèmes aujourd’hui au gouvernement actuel. Mais je vous dis une fois encore, le barrage Souapiti est la plus grosse arnaque. »
Sept ans après l’inauguration du barrage, les populations déplacées attendent toujours une amélioration de leurs conditions de vie. Les promesses d’accompagnement par la société de gestion du barrage restent lettre morte. Entre injustice et détresse, les impactés de Souapiti continuent de se battre pour obtenir réparation. Mais à ce jour, leur avenir demeure incertain. Alseny Diallo tire la sonnette d’alarme :
« On ne peut pas continuer dans la résignation. On ne peut plus. Il faut qu’on dénonce, qu’on réclame et qu’on sollicite l’aide du gouvernement, la personne du premier ministre, mais aussi du père de la nation, le général d’armée Mamadi Doumbouya. Nous sollicitons qu’il prenne ce dossier en main, qu’il sache que les populations de Souapiti sont en train de pleurer. Pleurer de faim. Pleurer de problèmes d’eau. Aujourd’hui, il n’y a pas d’eau à boire à Souapiti. 20 000 personnes impactées directes et il y a les villages aussi partiellement inondés. Il y a des villages qui sont complètement engloutis. C’est de pirogue en pirogue, ils se déplacent. »
Ahmed Sékou Nabé
L’article Barrage de Souapiti : laissées pour compte, les populations déplacées tirent la sonnette d’alarme est apparu en premier sur Mediaguinee.com.