Avant-projet de nouvelle constitution: troisième partie de la déclaration de l’UFD

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V. DISPOSITIONS ANTERIEURES POSITIVES ENTERREES PAR L’AVANT PROJET

A l’examen de l’Avant-Projet de Constitution, il est frappant de constater qu’un grand bond en arrière a été fait, par l’annihilation de dispositions antérieures positives et même progressistes, contenues dans la Loi Fondamentale de 1990 et la Constitution de 2010.  La porte est ainsi largement ouverte à la pérennisation de la dictature, de l’enrichissement illicite, de la corruption, des élections non équitables permettant de fabriquer en toute légalité de fausses majorités dans les assemblées, etc.

Voyons quels sont les différentes dispositions en cause.

1. La déclaration des biens (Articles 60 et 61)

Avec beaucoup de difficultés et de sourdes oppositions à l’époque au CNT, les membres de la Commission de rédaction de la Constitution de 2010 avaient réussi à introduire cette réforme fondamentale dans notre univers politique gangréné par un enrichissement illicite généralisé, restant impuni. La corruption et le détournement des biens publics par les élites dirigeantes et la bureaucratie étaient presque érigés en culture. Prenant les exemples les plus positifs, venant d’ailleurs en Afrique, nos braves législateurs de l’époque avaient bien compris l’impérieuse nécessité de sortir de cette catastrophe, afin de préserver la richesse publique qui doit être bien gérée par des acteurs à tous les niveaux et soumis au contrôle du peuple. Nous en profitons pour rendre un hommage mérité à notre camarade Abdoulaye Juntu DIALLO, membre fondateur de l’UFD, un des acteurs de cette avancée exceptionnelle vers la gestion transparente et contrôlée du bien public.

Rappel des dispositions énoncées par la Constitution de 2010

Voyons pour rappel le texte de 2010 :

« Article 36.

Après la cérémonie d’investiture et à la fin de son mandat, dans un délai de quarante-huit (48) heures, le président de la République remet solennellement au président de la Cour constitutionnelle la déclaration écrite sur l’honneur de ses biens.  Les ministres avant leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci déposent à la Cour constitutionnelle la déclaration sur l’honneur de leurs biens

La déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions sont publiées au Journal officiel.

La copie de la déclaration du président de la République et des membres du Gouvernement est communiquée à la Cour des comptes et aux services fiscaux.

Les écarts entre la déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions doivent être dûment justifiés.

Les dispositions du présent article s’appliquent au président de l’Assemblée nationale, aux premiers responsables des Institutions constitutionnelles, au gouverneur de la Banque centrale et aux responsables des régies financières de l’État ».

Malheureusement, après son élection en 2010, le Président Alfa Kondé et toute son équipe, personne n’avait respecté ces dispositions. Ce manquement grave et persistant à la Constitution sur laquelle il a prêté serment, a été l’un de nos points de divergence, tout au long de son mandat. On entendait parler de x ou y de son gouvernement qui avait fait sa déclaration. Mais jamais ces déclarations n’ont été publiées au Journal Officiel, comme le stipule clairement le texte.

Heureusement qu’en 2020, à la fin de son deuxième mandat, le Président Alfa Kondé avait signé le 30 mars 2020, le Décret D/2020/072/PRG/SG portant application de la disposition constitutionnelle de la déclaration de biens et de patrimoine. Ce texte il faut le dire, était très complet, bien conçu, bien rédigé et pouvait certainement servir de base pour respecter la lettre et l’esprit de la Constitution. Mais là aussi et comme par le passé, aucune mise en exécution ne s’en est suivie, jusqu’à son renversement par le coup d’Etat du 5 septembre 2021.

Il est donc important de souligner que la publication au Journal Officiel, pour que nul n’en ignore, est un acte de foi, une volonté de transparence de la part de son auteur.

Pour rappel, le candidat de l’UFD aux élections présidentielles de 2010, Mamadou BAH Baadiko, avait fait sa déclaration de patrimoine au Conseil Constitutionnel, quand bien même cette obligation n’était pas prévue pour les candidats. On n’en a jamais eu de nouvelles…

Les dispositions de l’Avant-Projet de Constitution

L’Avant-Projet quant à lui a repris très partiellement le texte antérieur. Le nouveau texte a introduit la déclaration des biens au niveau des candidats aux élections présidentielles et pas seulement après avoir été élus.

Que dit l’Avant-Projet ?

En page 11, sur les conditions requises pour être candidat à la présidence, il est prévu que les candidats doivent joindre une copie authentique, de la déclaration sur l’honneur de leurs biens. La même déclaration est prescrite en fin de mandat. En page 19, il est dit que la Cour des Comptes est chargée de contrôler les déclarations de biens reçues par la Cour constitutionnelle, « dans les conditions déterminées aux articles 60 et 61 ».

La comparaison entre l’ancien texte de 2010 et l’Avant-Projet est très vite faite :

Seul désormais le chef de l’Etat est concerné

Pas un mot sur la publication au Journal Officiel

Nous sommes donc en plein subterfuge, pour faire diversion. On fait semblant de maintenir un texte et même de l’améliorer, alors qu’on le vide soigneusement de son contenu essentiel.  

La triste et cruelle vérité, est que tout le personnel politique guinéen, toute la bourgeoisie politico-militaro-bureaucratique et tout l’establishment en général, sont viscéralement opposés à la déclaration des biens par les dirigeants. Nous en savons quelque chose depuis Ouagadougou 2009…

Dès la publication de la Charte de la Transition en septembre 2021, nous avions noté l’absence de cette disposition fondamentale dans le texte. Malgré toutes les interpellations, le CNRD est resté et restera sourd aux appels en ce sens. Même un ancien Premier ministre a eu l’outrecuidance et même l’insolence de déclarer « qu’il n’était pas au courant de l’existence d’un tel texte ! » Le CNRD et ses serviteurs ont donc la garantie qu’ils peuvent continuer leur besogne en toute impunité, tant que durera la fameuse Transition à durée indéfinie…

Faut-il rappeler que la publication au Journal Officiel, la mise à la disposition du public, des citoyens et de toute personne intéressée, est une règle appliquée dans tous les pays où cette formalité est requise ? Sans cet acte de transparence, on sera toujours entre « gens bien » qui se tiennent par la barbichette. Et notre peuple va continuer à souffrir de ses élites parasitaires et prédatrices. Au lieu d’étendre la déclaration à tous les élus, les gestionnaires de la fortune publique et ceux qui occupent de hautes fonctions, on fait semblant de déclarer ses biens au chef.

Sans la publication au Journal Officiel, la déclaration des biens est nulle et de nul effet. Avec l’expérience du passé, la Constitution devrait prévoir des sanctions à l’encontre des contrevenants.

Dernière minute – Constitution – Version 2 – Nous lisons :

Article 80 …Le Premier ministre dépose à la Cour constitutionnelle, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, à compter de sa prise de fonction, la déclaration écrite, sur l’honneur, de ses biens.

Il dépose à la Cour constitutionnelle, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, à compter de la cessation de ses fonctions, la déclaration écrite, sur l’honneur, de ses biens.

Les dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article s’appliquent aux membres du Gouvernement, aux Présidents des Institutions de la République, au Gouverneur et aux Vice-gouverneurs de la Banque centrale, aux premiers responsables des corps de contrôle de l’Etat, aux directeurs des régies financières de l’État et aux hauts responsables des forces de défense et de sécurité.

A la bonne heure dirions-nous ! La déclaration des biens est étendue à pratiquement tous les gestionnaires ou décideurs en matière de fortune publique. Il ne manquerait à cette belle liste que les élus locaux membres des exécutifs municipaux ou communaux. Cette fois-ci, même les hauts responsables des forces de sécurité sont astreints à la déclaration des biens.

La seule chose qui nous empêche d’applaudir à ce rattrapage, est que nous ne pouvons pas oublier dans quel système nous sommes : un Etat de non-droit où certains membres des forces de défense et de sécurité sont au-dessus de la loi. On se souvient encore de la fameuse évaluation des ministres qui, comme par hasard ne concernait pas ceux-là.

L’Organe Technique Indépendant en charge de la Gestion des Elections (Articles 180 et 181)

Le texte est pratiquement le même que celui de l’ancienne CENI. Mais cette fois-ci, les partis politiques en sont exclus. Le fait qu’il n’existe aucun organe paritaire de contrôle de cette institution de gestion des élections, fait craindre à juste titre son inféodation totale au ministère chargé de l’administration territoriale. La loi organique dont ont dit qu’elle va fixer la composition et les règles de fonctionnement sera votée par une Assemblée fabriquée sur mesure, comme on le verra. Avec ce nouvel organe et dans ce contexte, la Guinée s’éloignera encore plus des élections libres, honnêtes et transparentes, indispensables pour mettre le pays sur la voie de la paix, de la concorde et du progrès.

Le nouveau système électoral (Article 106)

On peut dire que cette partie constitue le plus gros coup de Jarnac contenu dans la nouvelle constitution.

Dans la Constitution de 2010 qui, pour l’instant, est notre référence, nous avons :

Article 63.

Le tiers des députés est élu au scrutin uninominal à un tour. Une loi organique fixe les circonscriptions électorales.

Les deux tiers des députés sont élus au scrutin de liste nationale, à la représentation proportionnelle. Les sièges non attribués au quotient national sont répartis au plus fort reste.

Article 64.

Une loi organique fixe le nombre de députés et le montant de leur indemnité.

Elle détermine également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacances, le remplacement de députés jusqu’au renouvellement général de l’Assemblée nationale.

Dans l’Avant-Projet de Constitution, nous avons en page 14 :

2. Mode de scrutin

…L’élection d’un tiers (1/3) des Députés a lieu au scrutin de liste nationale à la représentation proportionnelle.

Les sièges non attribués au quotient électoral sont répartis à la plus forte moyenne au, profit des candidatures des femmes ou des personnes en situation de handicap.

Les deux tiers (2/3) des Députés sont élus au scrutin uninominal à un tour.

La définition des circonscriptions électorales obéit au principe d’égalité des citoyens dans les modalités d’expression du suffrage.

Un non-initié peut difficilement comprendre à priori, la signification de cette inversion de la quotité de chaque mode de scrutin dans la désignation des députés de l’Assemblée législative. Sous l’empire de la Loi Fondamentale et de la Constitution de 2010, il y avait un équilibre presque parfait entre les deux modes de scrutin, la proportionnelle et l’uninominal à un seul tour. La représentation territoriale, selon les circonscriptions administratives traitées à égalité pour un tiers des députés, était complétée par la représentation proportionnelle, avec un homme ou une femme, une voix. Dans ce système très avancé mis au point par la Loi Fondamentale de 1990, il n’y avait aucune possibilité d’exclure mécaniquement des minorités nationales ou politiques.

A présent, il suffit, comme par le passé, de s’organiser pour fabriquer des recensements électoraux sur mesure, pour décréter ensuite que telle préfecture est dix fois plus importante que telle autre. Or, nous savons tous comment la CENI aux ordres procédait pour gonfler les chiffres dans certains cas et pour minimiser les inscrits dans d’autres cas, censés être des fiefs de l’opposition. Dans le premier cas, on inscrit même des enfants de 10 ans et des Africains non-Guinéens, etc. Dans le second cas, on fait traîner au maximum les opérations dont la durée est strictement limitée. Par ici, les machines, comme par hasard, sont continuellement en panne, quand ce ne sont pas les débrayages des opérateurs pour de prétendues primes non payées, etc. Sans compter l’exclusion de fait des Guinéens de l’étranger dont moins de 5% des ayants-droits parviennent péniblement à s’inscrire. Et le tour est joué ! On pourra alors clamer innocemment : « Comment voulez-vous attribuer le même nombre de députés uninominaux à une préfecture qui a 10 fois plus d’électeurs qu’une autre, ce n’est pas normal, c’est injuste, c’est anti-démocratique ? ». Avec le savant découpage électoral programmé et un organe faussement indépendant de la gestion des élections, le tour est joué ! On peut se fabriquer sur mesure une assemblée avec la majorité des deux tiers, sans avoir besoin de trop tricher aux urnes, en dehors de se donner 98%, en votant pour les enfants, en faisant voter les morts et les absentéistes…Le nettoyage facile des listes électorales dans certaines zones, grâce aux noms patronymiques très limités dans une région, fera le reste. Et nous savons que ce projet était depuis longtemps dans les tiroirs du ministère chargé de l’administration du territoire.

L’inconvénient du système proportionnel dominant dans un pays qui est loin d’être une nation, malgré tout ce qu’on peut clamer, c’est la dictature de la majorité sur les minorités. L’inconvénient du système uninominal à un tour dominant (comme ce qu’on nous prépare) c’est son caractère anti-démocratique, dans la mesure où on pourrait très facilement avoir des partis très minoritaires qui raflent tout ! Exemple : dans une circonscription uninominale, on a 4 candidats à la députation. Un des partis est arrivé en tête du scrutin, avec seulement 30% des voix et c’est lui qui l’emporte ! La minorité va ainsi s’imposer à la grande majorité, et ce sera légal. C’est ce même système que le PUP avait utilisé en 2005 pour contrôler pratiquement toutes les mairies du pays !

Age minimum pour la députation

Dans les deux versions, l’âge minimum a été ramené à 21 ans, contre 25 ans dans la Constitution de 2010. Dans ce choix très démagogique, les auteurs du texte n’ont tenu aucun compte du sérieux et de la maturité, indispensables pour être bon un législateur. Comme il n’y a jamais rien de fait au hasard, nous sommes en droit de nous demander si encore une fois, ce texte ne cible pas des personnes en particulier. Qui sait ?

CONCLUSION

Voilà ce qu’est l’Avant-Projet de Constitution qu’on veut imposer à la Guinée. Ce projet cynique est inacceptable, car porteur d’injustices, d’exclusion, base d’un système dictatorial bien connu, voué à la faillite comme ses prédécesseurs. Sans des reformes hardies, même les milliards de dollars impatiemment attendus du Simandou, n’y changeront rien.

La sortie définitive de la Guinée de ce cycle interminable de la misère et de décadence, passe par la prise de conscience de tout le peuple de la gravité des maux qui minent la société guinéenne.

Si c’est un civil qui vient au pouvoir, nous lui conseillerons de mobiliser tout le peuple, dans la fraternité, le respect des droits de tous, pour reformer en profondeur la Constitution de 2010, et la soumettre à un référendum, en intégrant tous les points positifs tirés des expériences du passé, avec plusieurs objectifs :

Mettre en place un cadre institutionnel basé sur la Régionalisation avancée et l’unité du pays ;

Réduire les pouvoirs illimités de l’exécutif et ses possibilités de fabriquer une majorité législative artificielle à sa dévotion. Il faudra également encadrer solidement l’activité des autres institutions ;

Réduire drastiquement le coût énorme de l’appareil d’Etat, afin de consacrer le plus possible de moyens aux investissements prioritaires : éducation, santé, routes, infrastructures et bien-être des populations en général. Toute la conduite des affaires publiques sera basée sur l’éthique, la bonne gouvernance et la responsabilité des dirigeants.    

Peut-on calculer le nombre d’écoles, avec des enseignants bien traités, le nombre de structures sanitaires efficientes, le nombre de kilomètres de bonnes routes, les infrastructures qu’on pourrait financer, avec une assemblée législative unique, à l’effectif raisonnable, sans sénat et sans compter la réduction drastique du coût de l’appareil d’Etat ?

L’heure est grave. Toute la communauté guinéenne est interpelée. A chacun de prendre ses responsabilités.

Fait à Conakry le 13 août 2024 – Le Bureau Exécutif de l’UFD

Transmis par la Cellule de Communication de l’UFD

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