100 jours de Bah Oury à la Primature : de nombreuses missions ratées

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 de nombreuses missions ratées

Nommé le 27 février 2024, Bah Oury a passé 100 jours, ce jeudi 6 juin 2024, à la Primature. La lettre de mission qui lui a été confiée par le président de la transition s’articule autour de trois volets : l’axe social pour rétablir le vivre-ensemble dans le pays ; l’axe économique pour amorcer le processus de développement économique “irréversible” de la Guinée afin d’assurer le bien-être des populations et l’axe politique pour bâtir un État avec des institutions fortes et crédibles qui “résistent au temps et à la tentation des hommes” avec la justice comme boussole. Retour sur les échecs du Premier ministre, de la non-déclaration des biens, au non-respect de la parité dans le gouvernement, à l’échec du dialogue politique en passant par le musellement de la presse.

Dans son serment du 28 février, le Premier ministre s’était engagé à “ramener les Guinéens autour de l’essentiel et à favoriser la paix dans le pays”. C’est dans ce sillage qu’il avait entamé, dès sa prise de fonction, une série de rencontres avec les acteurs sociopolitiques, dont les anciens Premiers ministres, les leaders des coalitions politiques et les responsables du mouvement syndical. Il leur avait promis de les rencontrer régulièrement et de les tenir informés de la situation du pays. N’ayant pas honoré son engagement, la confiance entre lui et ces acteurs s’est depuis profondément effritée.

Déclaration des biens

Autrefois réputé pour son sens de transparence et de respect des lois, le chef du gouvernement semble s’en être départi une fois nommé à la Primature. Pour ce qui est de la transparence, M. Bah n’a pas déclaré ses biens conformément au décret D/2020/072/PRG/SGG du 30 mars 2020 portant déclaration d’actifs, de biens ou de patrimoine.

Interrogé sur ce non-respect de la loi, Bah Oury s’est défendu en ces termes : “Je ne me suis pas opposé au principe. La question de la déclaration des biens est très importante et fondamentale”, a-t-il reconnu devant le Conseil national de la transition (CNT). Mais, a-t-il ajouté : “Je me heurte à une première préoccupation ; comment évaluer mon patrimoine ? Quels sont les documents qui me permettent de dire voilà ce que je possède ? Et quelle est la valeur ?”, s’est interrogé le chef du gouvernement. Une justification jugée pas du tout convaincante par bon nombre d’observateurs qui estiment qu’il aurait dû tout simplement se soumettre au principe en allant déclarer ses biens devant la Cour suprême. À cette institution d’en juger ou pas du bien-fondé de la démarche. Et d’ailleurs, il n’aurait pas été le premier chef du gouvernement à l’avoir fait puisque l’ancien Premier ministre Kassory Fofana s’était appliqué à l’exercice.

Le non-respect de la parité

Lors de la célébration du 8 mars à Kindia, le Premier ministre avait déclaré avoir été instruit de former un gouvernement composé d’au moins 30 % de femmes. “Le général de corps d’armées Mamadi Doumbouya a d’ores et déjà indiqué que pour le prochain gouvernement, au minimum, il faudra qu’il y ait 30 % de femmes. C’est un objectif minimum et dans quelques années, je souhaite qu’on aille vers une parité”, avait-il déclaré. Cette promesse n’a pas été tenue. Sur 29 ministres, le nouveau gouvernement ne compte que 6 femmes, soit 20 %.

L’échec du dialogue politique

L’accord entre le CNRD et la CEDEAO fixe le retour à l’ordre constitutionnel, au plus tard, le 31 décembre 2024. Mais le Premier ministre a déjà annoncé le glissement du chronogramme de la transition. “L’objectif c’est de finir la transition et je pense que 2025 est une bonne période pour couronner l’ensemble du processus toujours avec l’aide de Dieu”.

Et dire qu’en octobre 2021, M. Bah avait défendu l’idée contraire : “La transition, son rôle principal, c’est de jeter les bases permettant aux régimes démocratiques qui seront installés par la suite de continuer de travailler (…). Une transition qui dure devient un danger pour elle-même. C’est la raison pour laquelle il faut avoir une période optimale. Aller au-delà de 2 ans et demi, c’est mettre la transition en danger parce que premièrement, sur le plan économique, vous n’avez pas la légitimité pour engager les réformes en profondeur”.

Musellement des médias

Celui qui était considéré comme “l’ami des journalistes” et fervent défenseur des droits humains semble avoir changé de fusil d’épaule en assumant tacitement son rôle dans le musellement de la presse, notamment le brouillage des ondes. Au cours d’une conférence de presse, le 10 mai, le chef du gouvernement a fait savoir que la balle était dans le camp des médias pour mettre en place l’organe d’autorégulation auquel les patrons de presse ont souscrit. “Lorsque nous aurons cela, nous allons écrire à la Haute autorité de la communication pour que chacun, dans le cadre des prérogatives qui lui sont reconnues, fasse le travail qui est le sien”. Ces propos de M. Bah sous-entendent que les restrictions auxquelles les médias font l’objet sont orchestrées par les hautes autorités de la transition et que l’instance de régulation des médias reçoit des injonctions de l’Exécutif. Ce qui est une violation flagrante de la loi. Et cela a eu comme impact la fermeture de Djoma Média, Espace FM, Sweet FM et FIM FM entraînant la perte d’emplois pour au moins 700 travailleurs.

La gestion des incendies

Depuis l’explosion du dépôt des hydrocarbures, le 18 décembre 2023, les incendies sont devenus récurrents en Guinée, principalement à Conakry. Les incendies du magasin des stocks d’EDG, au centre Foulabah à Madina, au ministère de la Culture et tout récemment au marché d’Enco 5. “Les sinistres que nous constatons ne sont pas liés au hasard. Lorsque vous saurez ce qu’il y a dans le fond, vous allez abhorrer des hommes et des femmes que dans certaines circonstances vous avez applaudis”, avait affirmé Bah Oury sans attendre les résultats des enquêtes.

Tueries des manifestants

Alors que la répression sanglante des manifestations continue d’endeuiller les familles, le Premier ministre n’a pas trouvé mieux que d’accuser les acteurs sociaux et politiques de soudoyer les manifestants avec de l’argent. “Il y a des forces qui distribuent de l’argent à des groupes de jeunes qui sont désarçonnés par la société urbaine actuelle et qui ne demandent qu’à avoir des moyens pour descendre dans les rues non pas pour manifester avec des pancartes, des revendications bien précises, mais pour s’attaquer aux biens et aux personnes”.

En tenant de tels propos, M. Bah Oury s’accuse implicitement d’avoir agi de la même manière lorsqu’il a été le président du comité d’organisation de la manifestation du 28 septembre 2009 contre les velléités du Capitaine Dadis Camara, président de la transition d’alors, de se présenter comme candidat à la présidentielle. Mais aussi au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) qui a organisé plusieurs manifestations contre le 3e mandat d’Alpha Condé ayant engendré la mort de plusieurs personnes.

Les premiers 100 jours de Bah Oury ont été marqués par des échecs, car l’essentiel des actes qu’il a posés sont sources de conflits et ne répondent pas aux attentes des principaux acteurs, qui aspirent à un retour à la normale dans le pays.

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