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À Tokounou, localité située à 120 kilomètres de Kankan, le climat social est tendu autour de la gestion de la commune rurale. Le président de la délégation spéciale de Tokounou, accusé par une partie des ressortissants et des résidents, fait désormais l’objet d’une plainte déposée à la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Lors d’un entretien téléphonique, Ibrahima Sory Condé, porte-parole de la communauté, a exprimé de vives inquiétudes sur la gestion jugée opaque de certains revenus communaux. Selon lui, depuis l’arrivée du président de la délégation spéciale, plusieurs sources de revenus — notamment issues de l’exploitation de carrières de granite et de la gestion de terrains situés le long du corridor ferroviaire — n’ont fait l’objet d’aucun compte rendu à la population.
Il cite en particulier l’exploitation du granite, qui génère chaque trimestre un versement de plus de 136 millions de francs guinéens, dont une part importante revient à la commune. D’après le porte-parole, cette part pourrait dépasser les 100 millions GNF. Pourtant, la communauté affirme n’avoir constaté aucune réalisation notable en faveur des jeunes ou de projets de développement.
Pire encore, Ibrahima Sory Condé accuse le président de la délégation spéciale d’avoir investi dans des biens personnels, citant notamment l’acquisition d’un véhicule de marque Matrix pour 85 millions GNF, ainsi que la construction rapide d’une maison de six chambres entièrement équipée.
« Je vais revenir un peu en arrière, depuis la prise du pouvoir par le CNRD jusqu’à aujourd’hui. À son arrivée, s’il avait une quelconque économie personnelle, il ne l’a jamais présentée à la communauté. Il y avait ici le rail qui passe, et des portions de terres récupérées par les travailleurs du corridor. Lorsqu’ils récupèrent ces terrains, ils les contractualisent avec les propriétaires, et tout se passe à la mairie, qui perçoit aussi ses pourcentages. La mairie a bénéficié de certains espaces dont elle détient les contrats, mais je ne saurais dire le montant exact. Depuis, aucun compte rendu n’a été fait. Ensuite, il y a les sites d’exploitation de granite : pour chaque site, la communauté perçoit un pourcentage trimestriel. Pour le dernier versement en juin, cela représentait 136 millions GNF ; le trimestre précédent, c’était 136 830 270 GNF. J’ai obtenu ces chiffres grâce à mes propres recherches. La communauté détient 38 % de la carrière, répartis entre deux villages : l’un reçoit 12 %, le reste revient à la sous-préfecture. Donc la commune perçoit environ 100 millions GNF. Mais depuis que ce président est en fonction — un an et cinq mois — il a acheté une voiture Matrix d’une valeur de 85 millions. Il l’a présentée publiquement lors d’un match de gala, disant que c’était un cadeau de son grand frère venu d’Angola, ce qui s’est avéré faux. Ensuite, il a construit une maison de six chambres et un salon, en seulement trois mois, chaque pièce équipée d’un écran 53 pouces. Il vit aujourd’hui dans un luxe insolent. Lorsqu’on l’interpelle sur sa gestion, il répond qu’il ne doit de comptes à personne. Aujourd’hui, la jeunesse s’interroge : où va l’argent de la commune ? »
Face à cette situation, la communauté locale, soutenue par des associations de ressortissants vivant à Kankan, Conakry et en France, a décidé de porter l’affaire devant la CRIEF.
« C’est ce qui a poussé les jeunes à se révolter, en élaborant des stratégies pour faire pression. Nous avons rédigé des documents que nous avons transmis à la CRIEF. Nous aurions pu appeler à une manifestation, mais nous avons écarté cette option, sachant que certains jeunes consomment drogue ou médicaments ; une sortie aurait pu dégénérer. Nous avons donc choisi la voie intellectuelle : informer les médias et saisir la CRIEF pour qu’elle rende justice et restitue à la communauté ce qui lui revient. Nous n’avons pas la preuve formelle qu’il a détourné de l’argent, mais ses acquisitions récentes nous y font penser. Il y a d’autres sources de revenus, comme les marchés, dont on ne parle même pas ici. Un mémorandum signé par les représentants de toutes les couches sociales de la sous-préfecture a été remis à la CRIEF. »
Contacté par notre rédaction, le président de la délégation spéciale de Tokounou rejette fermement ces accusations. Selon lui, sa gestion est transparente et il se dit prêt à collaborer avec tout organe de contrôle, y compris la CRIEF.
« Ce qu’ils disent ne vient pas de moi. Pour moi, la communauté que je dirige est au-dessus de ma personne. Même si elle me demandait de mettre la main dans le feu, je le ferais, car je suis là pour elle. Si on me demande de rendre des comptes et que je refuse, à qui d’autre devrais-je m’expliquer ? Je suis disponible jour et nuit pour répondre aux ressortissants. Mais sachez que dans une commune, il y a un receveur, un secrétaire général, etc. Je ne prends pas de décisions seul. Une équipe d’enquête est déjà venue ; j’attends qu’elle me convoque pour qu’on parle de ce qui va, de ce qui ne va pas, et des besoins de la commune. Concernant la CRIEF, elle est saisie lorsque des fonds publics sont détournés. Moi, je n’ai rien à me reprocher. »
Pour l’heure, la CRIEF n’a pas encore officiellement réagi à cette plainte. Mais dans cette commune rurale en proie à des tensions croissantes, nombreux sont ceux qui espèrent que l’intervention de la justice permettra d’apaiser les esprits et de restaurer la confiance entre la population et ses dirigeants.
Pathé Sangaré, correspondant à Kankan
L’article Tokounou (Kankan) : le président de la délégation spéciale visé par une plainte à la CRIEF pour mauvaise gestion est apparu en premier sur Mediaguinee.com.