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Avec plus de 35 ans de carrière musicale, le natif de Paraya (quartier urbain de la commune de Labé), Mouctar Bah, communément appelé Mouctar Paraya Bah ou tout simplement MIC pour les intimes, s’est prêté à un entretien à bâtons rompus avec la rédaction locale de votre quotidien en ligne Guinéenews. Dans la première partie de cette interview exclusive, MIC Paraya nous parle de ses débuts très difficiles dans la musique (avec une famille fortement religieuse), de ses transitions dans les grands orchestres du Fouta, notamment le Kolima Jazz de Labé, jusqu’au lancement de sa carrière solo, qui s’est soldée par un répertoire de 6 albums avec des titres qui continuent toujours à marquer les mélomanes. Mouctar Paraya Bah nous raconte tout dans une ambiance artistique. Lisez !
Guinéenews : vous êtes natif de Labé et précisément de Paraya. Parce que vous portez toujours ce nom. Qu’à cela ne tienne, présentez-vous à lecteurs ?
MIC : Je suis né effectivement à Paraya, j’ai grandi là et j’ai fait l’école maternelle chez les sœurs à Konkola, ensuite à Hoggo M’Bouro où j’ai fait l’école primaire. C’est d’ailleurs en 5e année que le virus de la musique m’a piqué et là j’ai commencé à préfabriquer ma propre guitare que je cachais chaque fois que je partais à l’école dans un buisson.
Guinéenews : c’est vraiment en classe de 5e année de l’école primaire que vous avez embrassé la musique ?
MIC : Oui, en 5e année. Un jour, le maître de classe m’a surpris avec ma petite guitare préfabriquée, il m’a dit : « Mais pourquoi tu te caches, pourquoi tu caches ta guitare ? » J’ai dit que j’avais peur de mes parents. Il m’a dit : « Maintenant voilà ce qu’on va faire. Après les cours, viens chez moi à partir de 17 heures, je vais te guider. » C’est comme ça que j’ai appris le solfège avec lui. Monsieur Sidibé m’a dispensé des cours de solfège et ça a commencé là. Un jour, je me suis retrouvé avec un petit piano et c’est là où je me suis exercé. Ensuite, j’ai commencé avec la grosse guitare. Et là, c’est un Togolais du nom de monsieur Kénom, qui était ingénieur des travaux publics à Labé, qui m’a payé la guitare qu’on vendait à l’époque dans un magasin de l’État à Labé. Malheureusement, mon père ne voulait pas du tout que je fasse de la musique ; il disait qu’il ne pouvait pas être à la mosquée comme premier Muezzin et que moi je sois artiste. Il disait que c’était incompatible.
Guinéenews : à ce niveau, vous avez été déjà confronté à une opposition de taille. Dites-nous comment vous y avez survécu ?
MIC : J’ai continué à me cacher et un jour il m’a surpris avec la guitare et ils l’ont cassée ; j’ai pleuré. Un jour, j’ai pris la décision d’aller m’installer en dehors de la ville alors que j’étais au collège. Je quittais Telidjé pour Thyndel à pied. J’ai préféré faire comme ça pour pouvoir continuer avec la musique. Là-bas à Telidjé, je ne me cachais pas, je pouvais jouer tranquillement. Je rentrais dans une case parce qu’il y avait plus de cases que de maisons ; donc j’étais dans une case et c’est là que je venais jouer de temps en temps.
Guinéenews : maintenant, comment avez-vous réussi à professionnaliser votre musique surtout avec toutes ces difficultés ?
MIC : un jour, on a fondé un petit groupe à Labé qui s’appelait le groupe des pionniers de Labé et c’est là où l’initiative de ce groupe Fouta Mélodies m’est venue. J’ai réuni autour de moi des petits frères ; il y avait Daye Paraya, Mijaou, Thierno Mamoudou, Alpha Oumar (Petit), Doukouré paix à son âme, … Lorsqu’on a commencé à jouer, il y avait les Alhassane Traoré, il y avait Alphonse paix à son âme, il y avait Baba Traoré qui est El Hadj maintenant, … on était très nombreux. Et là on a commencé, on a travaillé, on est partis et un beau jour on s’est retrouvés troisième formation de Labé parce qu’il y avait le Super Kolima Jazz, il y avait le Syli Star et maintenant le Fouta Mélodies en troisième position.
Guinéenews : si ma mémoire est bonne vous avez également intégré le Kolima Jazz de Labé ?
MIC : Oui, lorsque certains membres du Syli Star ont quitté, on a pris quelques membres de Fouta Mélodies pour intégrer le Syli Star. C’est parti comme ça ; et là avec mille et un problèmes qu’on ne peut pas raconter. Finalement, j’ai quitté le Syli Star pour intégrer le Kolima Jazz. Et c’est là maintenant que j’ai commencé une fois de plus à m’habituer à tous les instruments parce qu’on me demandait parfois d’aller à la guitare basse, des fois à la guitare d’accompagnement, des fois à la guitare solo, le petit piano, … donc c’est parti comme ça. Un beau jour, j’ai retrouvé mon Fouta Mélodies et on a commencé à faire nos répétitions là où on appelait à l’époque la savane. Dans les années 1989-1990, on a commencé à jouer au Tinkisso et on a surnommé cette matinée dansante la lambada. Les gens se déplaçaient de Pita et de tous les coins pour venir. On jouait de 17 heures à 22 heures et ça n’empêchait pas les élèves d’aller à l’école, et tout le monde s’est habitué à ce rythme et c’était formidable.
Guinéenews : mais comment MIC s’est-il retrouvé dans une carrière solo ?
MIC : c’est lorsque mon orchestre s’est disloqué à Labé dans les années 1991, je suis resté un an sans jouer. Un beau jour, la société SEGRECA est arrivée en Guinée pour les premières élections au temps de monsieur Lansana Conté. Ils ont demandé à ce qu’on fasse une sensibilisation parce qu’on ne connaissait pas la démocratie. Donc, il fallait une sensibilisation. On a fait un grand concert au palais du peuple et celui qui dirigeait cette société s’est beaucoup intéressé à ma personne pour dire que je suis différent de beaucoup d’artistes. Donc, je n’ai pas voulu lui poser de questions, je l’ai écouté dire : « Vous êtes ponctuel, à chaque fois qu’on a besoin de vous à n’importe quelle heure vous êtes prêt, vous travaillez honnêtement. Je remarque aussi que vous travaillez très bien la musique et la ponctualité c’est autre chose. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » J’ai dit : « Je veux un clavier, sur lequel je pourrais programmer tous les instruments que ce soit la guitare d’accompagnement, la guitare basse, … afin que je puisse jouer tout seul. » Il m’a dit : « C’est tout ce que tu veux ? » J’ai dit : « Oui. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Il a appelé la France, ils m’ont envoyé un Yamaha PSR 500. Et là, je suis rentré dans une chambre et c’est là où j’ai commencé à programmer et à jouer tout seul. Et le jour de l’anniversaire de cette société, ils m’ont demandé si je pouvais jouer et j’ai dit oui. Donc, j’ai commencé à jouer et j’ai vu beaucoup se mettre à pleurer. Donc, c’est parti comme ça.
Guinéenews : depuis ce temps, vous jouez seul sans binôme ni disciple ?
MIC : non, c’est ainsi que pour la première fois Rica est venu à mes côtés. Avec Rica, on a commencé à tourner ensemble ici bien sûr après Fouta Mélodies. On partait partout, surtout à Timbi Madina. C’est là où Rica a composé son morceau ‘’Mougnal Bonata’’ et ça date de très longtemps. Parallèlement moi, j’avais mon morceau ‘’Djiké Bonnetaké’’. Et écouter le morceau Djike Bonetake et Mougnal Bonata, c’est le même accompagnement qui est là.
Guinéenews : en dehors de Rica, vous avez certainement coaché d’autres artistes ?
MIC : oui, évidemment. C’est après Rica que Thierno Mamadou est venu avec moi et il n’a pas fait moins de huit ans avec moi. Ce n’est pas parce qu’il n’avait pas le niveau ou qu’il ne pouvait pas chanter seul ; il en était capable. J’ai juste préféré le roder au maximum parce que c’est du côté de Galy (Mombeya/Tougué) qu’on me l’a confié. C’est la jeunesse de la sous-préfecture de Mombeya qui m’a demandé vraiment de l’aider parce qu’ils ont estimé qu’il est une personne talentueuse qui peut avoir de l’avenir dans la musique. Et c’est le seul qui pouvait interpréter mes morceaux. Vous savez, par exemple à l’occasion des cérémonies de mariage, il y a beaucoup de personnes qui tentent d’interpréter les morceaux des autres artistes ; mais beaucoup n’y arrivent pas. Ils disent que ce que je fais comme musique est compliqué. Donc, c’est Thierno Mamadou qui pouvait interpréter mes morceaux sans problème, c’est comme si c’était moi qui chantais. Alors, c’est comme ça que je l’ai pris du côté de Mombeya pour l’amener à Labé. On est resté chez moi et il me disait souvent que j’étais très sévère parce que je le frappais. Et c’est comme ça, quand j’ai compris qu’il avait totalement maîtrisé, je l’ai amené dans un studio d’enregistrement à Conakry. C’est là qu’il a réussi à faire un album ‘’Mo inni ceindaï ko cedata’’ ; qui a vraiment cartonné et c’était formidable.
Guinéenews : depuis, il ne fait que monter en succès ?
MIC : c’est ça, parce que là il a réussi à maîtriser sa voix et il a toujours eu une très belle voix. Après lui, j’ai géré tant d’autres. Il y a Abdoulaye Traoré qu’on appelle rappeur à Kankalabé, il y a Mohamed Camara qu’on appelle Mohamed MIC. Il y a Aliou Kanté, Thierno Kebaly, les Aicha Kindia, … Beaucoup ont appris avec moi, parce que j’ai toujours eu le dos large.