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Dans cette interview, Régis Hounkpè, expert béninois en géopolitique, directeur exécutif d’InterGlobe Conseils et enseignant à l’international, partage son analyse incisive sur la Coopération Sino-Africaine, un partenariat où la Chine, en affirmant son leadership mondial, attire 53 nations africaines à sa table au cours du FOCAC 2024. À travers cet entretien, le géopolitologue questionne la réelle indépendance économique des pays africains et interroge leur capacité à tirer parti de ce partenariat stratégique tout en évitant une dépendance accrue envers Pékin. Il décrypte également les enjeux diplomatiques et commerciaux sous-jacents, dans un contexte de rivalités mondiales grandissantes.
Guinee360 : Le Forum de Coopération Sino-Africaine s’est tenu du 4 au 6 septembre à Pékin, avec la participation de 53 pays africains, pour la plupart représentés par leurs chefs d’État, ainsi que du Président de la Commission de l’Union Africaine. Comment expliquez-vous le succès de ce sommet ?
Régis Hounkpè : L’exercice est devenu récurrent et permet à des pays comme la Chine de confirmer leur puissance en invitant tout un continent à sa table. Le véritable succès est plutôt du côté de la Chine, qui affirme son rôle de leader géopolitique, de puissance économique et de partenaire incontournable, surtout dans un monde souvent concurrentiel, parfois hostile en raison des rivalités stratégiques entre les grandes puissances internationales.
La Chine a promis plus de 50 milliards USD de financement sur trois ans pour renforcer la coopération, en particulier dans les infrastructures et le commerce, ainsi que pour aider à la création d’au moins un million d’emplois en Afrique. Comment ces engagements peuvent-ils se concrétiser?
Il faut rester lucide et pragmatique : ces financements sur trois ans pourraient effectivement soutenir le développement et les infrastructures de certains pays, mais aussi accélérer la dépendance économique et structurelle d’autres nations du continent. Cela dit, il serait intéressant de connaître la répartition de ces financements et leur affectation par programmes nationaux, ainsi que d’envisager une évaluation post-financement. Une question se pose : les pays africains ont-ils vraiment besoin de tels financements pour leur développement économique ? Ne disposent-ils pas des ressources nécessaires pour envisager un financement endogène de leur développement économique et social ? Que font tous ces dirigeants africains de pays riches mais aux populations pauvres en Chine ?
Quels avantages la Chine peut-elle attendre en retour de ce partenariat avec l’Afrique ?
Un surcroît de puissance économique, car elle bénéficie largement de la balance commerciale entre le continent et le géant asiatique. Un surcroît de puissance diplomatique et stratégique, avec l’appui de 54 nations.
La Chine est-elle devenue un partenaire incontournable pour l’Afrique ?
Le meilleur partenaire pour l’Afrique, c’est d’abord l’Afrique elle-même. Malheureusement, peu de dirigeants africains l’ont compris. Si les pays africains étaient efficacement administrés et gouvernés, l’Afrique serait le continent qui inviterait à sa table toutes les puissances du monde. Aujourd’hui, le continent africain est souvent, au mieux, au bout de la table, et au pire, il en est le menu.
La Chine s’est engagée à « ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures des pays africains et à ne pas imposer sa volonté ». Peut-on considérer cela comme une critique implicite des puissances occidentales, souvent accusées d’imposer leur volonté aux États africains ?
C’est la doctrine de non-ingérence qui prévaut dans les relations internationales avec la Chine : “Ne vous mêlez pas de nos affaires intérieures, et nous ferons de même avec vous.” Cette approche séduit de nombreux dirigeants africains qui ne souhaitent pas subir de diktats sur la démocratie et la gouvernance économique. Toutefois, je reste très réservé sur la non-ingérence, car elle est souvent instrumentalisée dans les pays du Sud.
Comment évaluerez-vous l’impact de la coopération Sud-Sud et des alliances stratégiques entre la Chine et les pays africains dans le contexte de rééquilibrage du système de gouvernance mondiale ?
Chaque grande puissance a besoin de l’Afrique. Chaque pays cherche à accroître son influence sur l’Afrique. Mais que fait l’Afrique en retour ? Sait-elle tirer le meilleur parti de ces relations ? Il y a, bien entendu, une attente forte d’un rééquilibrage géopolitique mondial, mais quelle est réellement la place de l’Afrique dans ce processus ?
Ce sommet s’est tenu dans un contexte de tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis concernant Taiwan. Certains chefs d’État africains, dont le président de la transition guinéenne, ont réaffirmé leur reconnaissance de la politique d’une seule Chine. Que pensez-vous de cette situation ?
C’est une condition préalable pour être dans les bonnes grâces de la Chine. Taiwan, le Tibet et Hong Kong sont des sujets sensibles dans les relations avec la Chine, et réaffirment la politique d’une seule Chine est essentielle pour maintenir de bonnes relations avec Pékin.
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