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Si le nom et l’honneur de la famille n’ont pas été souillés grâce à ses pionniers et premiers ambassadeurs, on naît immaculé, sous les meilleurs auspices. On vient au monde porté par tous les rêves, les complications ne survenant que plus tard, mais nul ne meurt sans avoir été désabusé. Tel est le charme et le drame de toute existence humaine. Personne n’est assez sage pour éviter tous les pièges, ni suffisamment immunisé contre les trahisons. La foi permet de survivre à toutes les épreuves et de franchir toutes les étapes. La patience permet d’attendre, de voir venir les jours radieux. C’est la clé qui ouvre toutes les portes et permet d’accéder à tous les sommets. Seuls sont malheureux ceux qui ont perdu la foi, ne croient qu’en leurs forces et leur génie intrinsèques, et refusent, tout de go, de s’armer de patience. L’indulgence avec le temps et la patience avec les hommes ont le pouvoir de réparer les injustices et de rétablir les normes et valeurs.
Si seulement chacun disposait d’une boule de cristal permettant de lire et prévoir l’avenir, de sonder les cœurs, de deviner les intentions, même les plus sournoises, tout serait si clair et simple, et le monde sans doute merveilleux : on ne commettrait pas l’erreur de se fier aux apparences, ni ne succomberait à la naïveté de croire sur parole quiconque. On serait mieux éclairés et plus avertis. La bonne foi et les préjugés favorables font tant de malheureux.
Hélas, nous restons des mortels vulnérables qui se laissent emporter par des promesses alléchantes et convaincre par le premier venu, prince charmant au masque trompeur, plutôt que d’être des esprits sagaces, initiés aux secrets des dieux.
Alors, nous continuerons à être victimes de nos folles illusions et de nos faux espoirs, et nous paierons encore le prix fort de notre candeur chronique.
Les limites de la démocratie et les espoirs ruinés ont suscité et inspiré des révolutions spontanées et des actes de rupture, le plus souvent violents et regrettables. Les peuples, en particulier africains, semblent s’ennuyer dans la routine d’une stabilité qui paraît acquise et d’un bonheur tranquille, même relatif. Impatients de se réaliser, ils ne croient pas aux œuvres de longue haleine et peinent à attendre qu’un arbre planté donne des fruits. Espérant tout avoir, tout de suite, sans fournir le moindre effort ni consentir aucun sacrifice, les “nouvelles sociétés” africaines se montrent agacées par le dur labeur et les contraintes d’un véritable développement économique et social. Elles sont alors portées à sauter dans l’inconnu et cèdent facilement à la tentation des aventures incertaines.
On s’est plaint de la démocratie qui n’aurait rien apporté de bon, on se retrouve dans des camisoles de force. On a dénoncé les restrictions aux droits et les entraves aux libertés, maintenant on subit la loi du plus fort et on entre dans les rangs, de gré ou de force. On protestait de ne pas avoir assez de liberté de mouvement, on est désormais confronté à une assignation sur place ou à une déportation obligatoire. On s’indignait de la non-limitation des mandats, on constate qu’il n’y a plus de volonté de rendre ni de mettre en jeu le pouvoir, qui est à conserver par tous les moyens et à toutes les conditions. Les opposants ne sont plus harcelés et persécutés, ils sont bannis ou supprimés. Les élections, quelles qu’elles soient, le recours à l’arbitrage du peuple, même de pure façade, sont devenus des exercices sophistiqués, des précautions inutiles quand on se sent fort et invulnérable. On garde par la force ce qu’on a arraché par la force, qu’on ne cédera aussi que par la force. Ni mélange des genres ni confusion des valeurs dans un amalgame démocratique ou une alchimie douteuse : la greffe ne prend pas. Circulez, il n’y a rien à voir !
La vanité de l’homme africain est telle qu’il veut qu’on ne parle que de lui, et de lui seul : il ne veut pas entendre parler de l’héritage des autres, ni ne peut consentir à avoir un héritier. L’égoïsme est tel que, si c’était possible, tout se limiterait à lui et personne ne devrait venir à sa suite, après lui. Le passé, le présent, l’avenir relèvent de son ressort et seraient de son unique apanage. Il faudra comprendre, comme dans La Ferme des animaux de George Orwell, que si tous nous sommes égaux, certains sont plus égaux que d’autres. Telle est l’impression qui se dégage de l’exercice, la plupart du temps solitaire, du pouvoir en Afrique, où un individu ou un groupuscule veut chaque fois imposer sa suprématie sur le reste de la société.
On continue quand même à faire croire que l’Afrique est le continent de l’espoir et des opportunités, voire l’avenir de l’humanité. Or, on ne peut s’empêcher de relever que c’est une terre de ruines et de désespoir, comme la majorité de ses pays qualifiés de cimetières d’occasions perdues. Les Africains sont passés, en de maintes occasions, à côté de leur destin, ont manqué plus d’une fois d’importants rendez-vous avec l’histoire, et persistent aujourd’hui encore à piétiner leur avenir. Faut-il croire que le meilleur reste toujours possible ou y a-t-il lieu de se résigner enfin à la malédiction des échecs ? Tout dépend de la nature optimiste ou des penchants pessimistes de chacun.
En attendant, lorsqu’on fait le pari risqué du miracle, on fait l’amère expérience des mirages perdus. Leçons de vie, enseignements de l’histoire.
Faut-il revenir au cauchemar démocratique ou sombrer dans des révolutions manquées et perfides ?
Tibou Kamara
L’article De la désillusion démocratique aux mirages révolutionnaires [Par Tibou Kamara] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.