PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]
Dans un communiqué publié le mercredi 29 janvier 2025, la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a déclaré l’effectivité du retrait des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de l’organisation sous régionale.
Cette date marque un tsunami géopolitique dans cette région du monde car la CEDEAO qui était jusque-là considéré comme l’une des rares organisations continentale fonctionnelle vient d’être amputée de trois pays représentant plus de 40 millions de personnes. Ces pays se trouvent en outre sur une zone stratégique qu’est le Sahel.
Etant consciente de l’ampleur de cette défection, l’organisation ne veut pas « lâcher » les trois pays et elle fait savoir que « dans l’esprit de la solidarité régionale et dans l’intérêt des populations, ainsi que la décision de l’Autorité de la CEDEAO de garder les portes de la CEDEAO ouvertes, toutes les autorités compétentes à l’intérieur et à l’extérieur des États membres de la CEDEAO sont priées et tenues de permettre aux citoyens des trois pays touchés de continuer à jouir du droit de circulation, de résidence et d’établissement sans visa conformément aux protocoles de la CEDEAO jusqu’à nouvel ordre ».
Le fait de laisser cette porte ouverte à un éventuel retour montre que l’organisation est dans une logique d’apaisement. Sauf que, de l’autre côté, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont clairement indiqué que cette sortie de la CEDEAO est irréversible.
PRAGMATISME ET IMMOBILISME
Immobilisme de la CEDEAO
Il n’est pas opportun de rappeler ici toutes les péripéties qu’a traversées la CEDEAO depuis sa création en mai 1975. Si on fait un petit rappel historique des actions mises en place par l’organisation on se rend compte qu’elles ne sont pas légion.
En matière de maintien de la paix, le seul fait notable est la création de l’ECOMOG (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group) en 1990 pour stopper la guerre civile au Libéria. Il s’agissait d’une force d’interposition qui comptait environ 20 000 soldats, baptisés « casques blancs », dirigée par le Nigéria et qui a mis 7 ans pour ramener la paix.
En ce qui concerne le volet économique la CEDEAO a adopté un protocole sur la libre circulation des personnes, qui a établi le droit de résidence et d’établissement, dès 1979. La première phase de ce Protocole, entré en vigueur en 1980, garantit la libre entrée des citoyens ressortissants des États membres sans visa, pendant 90 jours. La suite de cette démarche a été la mise en place d’un passeport sous régionale dans les années 2007-2008.
En matière de politique, force est de constater que l’échec de l’organisation est cuisant. En effet, depuis sa création en 1975 jusqu’à nos jours on a dénombré une quarantaine de coups d’Etats et de tentatives de coup d’Etats avérés ou non. Cette recrudescence des putschs militaires peut s’expliquer non seulement par la faiblesse des instituions de ces Etats qui est un héritage de la colonisation mais aussi et surtout l’incapacité de l’organisation de mettre en place des mécanismes contraignants et adaptés pour dissuader les militaires de passer à l’acte.
L’ironie du sort est que les actuels dirigeants des trois pays membres de l’AES sont tous issus de coups d’Etat militaires dans leur pays respectifs et ce sont eux qui ont impulsé la dynamique de la création de l’AES.
Pragmatisme de l’AES
Cette nouvelle organisation sous régionale qui défraie la chronique a comme idéologie le Panafricanisme, le Souverainisme et l’Anticolonialisme.
Depuis sa création en 2023, les actes posés et les perspectives sont appréciés par une grande partie des observateurs et de la jeunesse du continent.
Parmi les actes posés, nous pouvons citer notamment :
– En novembre 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger signent un protocole d’accord sur la fin des frais d’itinérance des communications téléphoniques entre les trois pays,
– Le 5 février 2025, les États membres de l’AES signent une convention instaurant une politique culturelle commune,
– Le 22 février 2025, l’Alliance des États du Sahel dévoile le drapeau de la confédération, après sa validation par les chefs d’État des pays membres de l’organisation,
– Le 21 janvier 2025, le ministre nigérien de la Défense du Niger, le général Salifou Mody, annonce la création d’une force militaire unifiée de 5 000 hommes pour faire face aux défis sécuritaires croissants dans la région du Sahel.
Aussi, le 16 septembre 2024, Assimi Goïta a annoncé la création d’une Banque d’investissement commune, d’une chaîne de télévision et d’un passeport biométrique. Concernant le passeport, les membres ont joint l’acte à la parole en lançant officiellement le passeport de l’Alliance des États du Sahel (AES) le 29 janvier 2025 sans la mention CEDEAO comme cela était de coutume pour les pays membres de la CEDEAO jusqu’à maintenant. (On notera quand même que ce passeport rencontre quelques soucis dans certaines chancelleries qui n’ont pas reçu le spécimen).
Toutes ces annonces sont suivies d’actes concrets qui nous font dire qu’en environ deux ans d’existence, cette organisation fait mieux que la CEDEAO qui a cinquante ans d’existence. L’organisation suscite une telle enthousiasme en Afrique de l’Ouest que des rumeurs sont apparues sur la volonté de certains pays d’adhérer à l’AES (Togo ?).
On le voit à travers les actes posés que cette organisation a une réelle volonté d’émancipation et de développement. Cela dit, il faut souligner que l’importance des intérêts dont s’attaquent les dirigeants de l’AES risque de les jouer un mauvais tour.
L’appui des partenaires fiables et un soutien total et sans faille de leurs populations respectives seront des atouts sur lesquels ils pourront s’appuyer afin d’atteindre leurs objectifs.
Thierno Hamidou BAH
Juriste commande publique
Consultant géopolitique