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Lors d’une cérémonie festive sur l’esplanade d’un Palais du Peuple qui en a vu d’autres, dans l’air bien connu de la transition, le ministre de la Culture a remis, vendredi dernier, des instruments de musique à des ensembles pour la plupart considérés comme fossilisés, n’existant plus que de nom.
On a évoqué des orchestres nationaux, mais, à l’exception du célèbre Bembeya Jazz, qui tient bon grâce à la ténacité des doyens Sékou Diabaté et Sékou « Legrow » Camara, ainsi que du Horoya Band, en pleine reconstruction autour du dernier musicien encore en vie de l’ancienne équipe dirigée par Métoura Traoré (alias Papa Paya Paya), il s’agit surtout d’anciens orchestres fédéraux — que l’on qualifierait aujourd’hui de préfectoraux.
Ces groupes faisaient la joie des mélomanes dans les permanences fédérales sous la révolution sékoutouréenne.
Des initiatives similaires ont certes eu lieu sous le régime précédent — en 2015, 2016 et 2019, pour le Forest Band de Yomou (1er prix FENAC), le Bembeya Jazz et la RTG — mais elles restent sans commune mesure avec l’âge d’or de la Première République.
À cette époque, au rythme des quinzaines et festivals des arts et de la culture, les orchestres nationaux et fédéraux — ainsi que certains ensembles universitaires, comme le Sankaran Echo de Faranah — recevaient des instruments de qualité exceptionnelle : sonorisation FBT (marque italienne), guitares américaines Gibson (pour les ensembles nationaux), amplis Fender (USA), percussions LP (USA), ainsi que cuivres et bois de la marque Henri Selmer Paris (trompettes, trombones, saxophones, clarinettes, flûtes). Du haut de gamme !
Après la société DIVERMA, c’était ENIMAS (entreprise nationale chargée des importations de matériel artistique et sportif), qui assurait ces achats en associant les musiciens au choix des instruments. On ignore pour le moment la qualité de ceux livrés vendredi dernier.
Mais, au-delà de la simple opération de charme à des fins de propagande, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de l’initiative et des choix opérés. Les contextes n’étant plus les mêmes, qui va gérer ces anciens orchestres fédéraux ? Le gouvernorat, la commune ou une structure privée ? Qui jouera le rôle des comités régionaux de la JRDA d’autrefois ? Pourquoi avoir choisi presque exclusivement des groupes fantômes, alors que des formations actives sur le terrain, comme le Groupe Standard — fondé par feu Ansoumane Camara « Petit Condé » — qui animent quotidiennement la scène musicale guinéenne, en auraient sans doute fait un usage bien plus concret ? Pourquoi les anciennes formations de la capitale ont-elles été ignorées, comme le Camayenne Sofa (l’orchestre de Conakry II), dont le noyau, formé autour de son leader Jeannot Williams, se bat avec ardeur depuis plusieurs années pour sa survie ?
À part ce gros bémol et la musique un peu tatillonne de la nouvelle formation des Amazones, qui devrait encore peaufiner ses gammes, on pourrait dire que la fête fut joyeuse. A l’image d’un
Morissandan Kouyaté, ministre des Affaires étrangères, qui s’est particulièrement défoulé, loin des soucis liés à un ministère où se dérouleraient pourtant d’étranges affaires.
Même si, dans l’extrait vu sur les réseaux sociaux, on n’a rien entendu de probant – peut-être à cause d’une autre guitare mal accordée qui accompagnait en arrière-plan –, beaucoup ont cependant dû être impressionnés par l’agilité de ses doigts le long du manche de l’instrument qu’il tenait avec une certaine grâce.
Une sortie qui n’a en réalité rien d’anormal. Dans le monde entier, certains dirigeants jouent de la musique en public ou en privé pour diverses raisons. La musique peut être un moyen d’évasion et de relaxation, permettant de se ressourcer et de montrer une facette plus humaine et accessible. Elle peut aussi servir de vecteur de communication, renforçant leur image, créant un lien émotionnel avec le public, ou soutenant leur communication politique ou institutionnelle. Pour d’autres, comme notre ministre Kouyaté, la musique est une part essentielle de la tradition ou de leur histoire personnelle, qu’ils souhaitent maintenir malgré leurs responsabilités.
Thomas Sankara jouait de la guitare et composait. Il participait parfois aux répétitions de l’orchestre Super Volta et aurait co-écrit des chansons, dont « La patrie ou la mort, nous vaincrons », inspirée de ses discours.
Harry Truman, 33e président des États-Unis, jouait du piano depuis l’enfance et en gardait un près de son bureau à la Maison-Blanche.
Richard Nixon, autre président américain, a commencé très jeune le piano et le violon, et a même composé un concerto.
Bill Clinton est célèbre pour son talent au saxophone, tandis que Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, avait un groupe de rock dans les années 1970, nommé Ugly Rumour.
Comme quoi, que ce soit sur scène ou dans les coulisses du pouvoir, il semble que la musique ne soit pas seulement un art, mais aussi un excellent moyen pour nos dirigeants, version CNRD, de décompresser en faisant les yeux doux au populo en pleine galère existentielle. C’est peut-être aussi un biais pour mieux accorder leurs violons (certainement pas des Stradivarius) en toute complicité, et jouer leurs partitions dans le répertoire de la refondation avec moins de contretemps, de demi-tons et de fausses notes.
Sur ce vieux “parquet” du Palais du Peuple, bien que le sol ait semblé pouvoir briller d’un simple coup de chiffon, la poudre aux yeux finira par tomber. Le temps révélera alors les failles dissimulées sous le vernis des apparences.
Coluche disait : “Les politiciens, il y en a, pour briller en société, ils mangeraient du cirage.”
Top Sylla
L’article Satire à vue- Un Sol Fa Si La Si Ré ? (Un sol facile à cirer ?) [Par Top Sylla] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.