Sally Bilaly démonte les arguments d’Ousmane Gaoual : « Il veut justifier la barbarie numérique en cours »

il y a 10 mois 222
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Dans cette interview avec Sally Bilaly Sow, fondateur de Guineecheck.org, nous examinons de près les arguments avancés par le ministre Porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, pour justifier les restrictions d’internet en Guinée depuis le 24 novembre 2023. Le cyberactiviste et consultant en Civic Tech dénonce les tentatives du ministre des Postes et télécommunications et de l’économie numérique de déplacer le débat vers la réglementation, utilisant un argument d’autorité biaisé. Alors que la censure numérique persiste, le journaliste souligne les conséquences graves pour les citoyens et appelle à une mobilisation virtuelle et réelle contre cette “barbarie numérique”. La restriction d’internet, en cours depuis près de deux mois, soulève des inquiétudes sur l’avenir de la liberté d’information en Guinée. Le cyberactiviste met en garde contre les risques liés aux fausses informations et souligne les dangers potentiels de l’usage généralisé des VPN dans ce contexte.

Guinee360.com : Que pensez-vous des arguments du ministre Porte-parole qui a justifié les restrictions de l’internet ?

Sally Bilaly Sow : En gros, il [Ousmane Gaoual Diallo, Ndlr] tente de justifier les mesures restrictives et violatrices de violation de l’un de nos droits les plus élémentaires, celui de l’information. Il essaie d’amener la restriction intentionnelle sur le terrain de la réglementation en déplaçant le récit avec un argument d’autorité biaisé pour dire qu’il fallait prendre une décision. Aujourd’hui ils sont acculés, ils ne trouvent pas de contenu pour leur raison de sécurité nationale. Donc, ils essaient d’adosser cette raison de sécurité nationale à une réglementation qu’on ne connaît pas, à une transposition des faits sur des multinationales dont même des pays comme les États-Unis essaient de rapprocher pour discuter. Quand il parle des frontières à contrôler, mais comment pourrait-il délimiter les frontières numériques ? En quelque sorte, il veut justifier la barbarie numérique en cours. La souveraineté numérique s’acquiert à travers des textes de lois et la participation active des citoyens. Donc, on doit réglementer à travers des textes de lois, pas par des restrictions intentionnelles. C’est une cybercensure injustifiable avec des lourdes conséquences que les citoyens vont subir pendant des années. C’est vraiment ahurissant de prétendre que l’on peut tenir tête à des plateformes numériques comme l’occident de façon générale. Qu’il essaie de se renseigner sur les instruments juridiques de la CEDEAO, de l’Union africaine avant d’aller trop loin. Je pense que nous subirons encore très longtemps les conséquences de ces restrictions. À ce jour, ils ne peuvent pas donner du contenu « à leur raison de sécurité nationale ».

Les restrictions durent depuis le 24 novembre 2023. Qu’est-ce qui explique l’absence de mobilisation contre cette censure ?

Par rapport à la protestation, l’ABLOGUI, dont je suis membre, a initié la campagne “Droit à l’internet” qui est en cours. Il y a d’autres acteurs qui font le décompte à travers des flyers. Ce qu’il faut ajouter, si avant ce n’était que les réseaux sociaux, mais aujourd’hui, les services d’internet de façon générale sont impactés. Donc, il y a une petite protestation virtuelle, mais ce que nous aurions voulu avoir, ça n’a pas été le cas parce que les Guinéens cherchent toujours des solutions à des situations que nous aurions dues nous organiser pour défendre. Bien qu’il faille chercher à contourner la censure, il faut se mobiliser pour qu’on lève cette restriction. Mais si en utilisant les VPN sans pour autant réfléchir sur comment quelqu’un qui est à Yomou pourrait se connecter, on se trompe. Nous devons nous mobiliser en comprenant qu’aujourd’hui l’économie numérique emploie beaucoup de jeunes qui risquent de partir au chômage. Si on résume le cas d’internet aux réseaux sociaux, on donne raison au gouvernement qui nous censure. Les réseaux sociaux sont un pan d’internet. Il y a d’autres services rattachés à Internet qui n’ont rien à voir avec les réseaux sociaux. Nous devons véritablement nous mobiliser virtuellement et pourquoi pas dans la vraie vie pour protester contre cette barbarie numérique qui perdure depuis bientôt deux mois.

Après celle de mai 2023 qui n’avait pas duré autant, nous assistons à la deuxième restriction de l’internet sous le CNRD. Est-ce qu’il y a lieu de s’inquiéter pour l’avenir?

Ils nous ont fait des tests qui ont réussi au mois de mai 2023. Très malheureusement, quand Guineematin, Inquisiteur et d’autres médias avaient été brouillés, ils ont pensé qu’en se limitant à des actions de lobbying, c’est vrai que ça fait partie des négociations, que la situation allait marcher. À partir de mai, je m’étais dit qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient. La restriction des médias, ils ont réussi leur test sans qu’on ne puisse véritablement nous organiser pour dire qu’à l’avenir ils vont revenir. Et c’est ce qu’ils ont fait. Au fur et à mesure que nous avançons, les abus se multiplient et ils ne vont pas s’arrêter. C’est à nous de voir ces restrictions comme une sorte d’appel à la mobilisation pour défendre et protéger notre droit à l’information. Organisons-nous pour leur demander d’arrêter de bâillonner la liberté de la presse et d’expression.

Qu’en est-il des fausses informations en cette période des restrictions ?

Avant, il y avait des gens qui faisaient du monitoring pour pouvoir vérifier les fausses informations. Par exemple à GuineeCheck, nous abattons un énorme travail de veille et de déconstruction des fausses informations. Très malheureusement avec la restriction d’Internet et des réseaux sociaux, il y a des usines à trolls qui essaient de diluer l’espace informationnel. Ça, c’est un grand problème et ceux qui ont restreint Internet n’imaginent pas le danger que cela puisse avoir sur notre démocratie en construction. Aujourd’hui, les récits qui passent, ces sont les récits de ceux qui disposent des VPN ou qui ont des techniques leur permettant de se connecter à internet pour envoyer les messages qu’ils veulent faire passer. Cette restriction impacte la liberté de la presse, ternie l’image de la Guinée à l’international et favorise la profusion de la désinformation.

Est-ce qu’il y a un risque lié à l’usage des VPN ?

Nous avons trois types de VPN qui sont plus répandus. C’est-à-dire que vous avez un VPN freemium où vous utilisez une partie pour accéder à l’intégralité des fonctionnalités comme Psiphon ou d’autres vous devez payer. Il y en a d’autres qui sont open source et gratuits comme Ordbot. Vous avez aussi des VPN qu’il faut payer avant de pouvoir les utiliser. Maintenant, par rapport à l’usage des VPN, si vous téléchargez un qui est infecté par des virus, cela veut dire qu’il y a des conséquences. Ce qui est important, c’est de s’assurer de la qualité du VPN que vous utilisez. Pour cela, il faut lire les commentaires des autres utilisateurs et chercher à savoir si le VPN est bien reconnu par les différentes plateformes ou acteurs de l’espace civique et numérique.

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