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Dans cette interview accordée à Guinee360.com, le coordinateur national du Front national pour la défense de la transition (FNDT) a abordé plusieurs questions liées à l’actualité sociopolitique guinéenne. Bogola Haba est revenu, notamment, sur l’installation des délégations spéciales, le redécoupage des communes rurales et urbaines, le retrait des trois pays de la CEDEAO, la menace qui pèse sur la liberté de la presse ainsi que le retour à l’ordre constitutionnel.
Bogola Haba : Après 30 mois de gouvernance, j’avoue que beaucoup de choses ont été faites même s’il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes globalement satisfaits, mais il faut rediscuter du reste du chronogramme et du contenu de la transition pour un atterrissage bien maîtrisé autour d’un agenda national commun aligné avec les objectifs des militaires et les attentes politiques de la classe politique et de la communauté nationale et internationale.
Nous sommes à quelques mois de la fin de la transition conformément au chronogramme de 24 mois fixé entre la Guinée et la CEDEAO. Beaucoup pensent que ce chronogramme n’est pas tenable au regard du retard dans la réalisation des activités. Est-ce que vous voyez déjà les signaux d’un glissement ?
Il y a maintenant plusieurs mois où au FNDT, nous avons dit que ce chronogramme de la CEDEAO n’est pas tenable tout en appelant les acteurs guinéens à laisser tomber leurs ego pour se retrouver à nouveau pour définir un chronogramme inter-guinéen qui tient compte de nos vrais problèmes que seules les élections ne peuvent pas résoudre. Nous sommes sur cette position et encourageons le CNRD, le gouvernement, les acteurs du cadre du dialogue et la Troïka à mettre la nation en avant pour que nous nous retrouvions.
Sauf que certains acteurs politiques et sociaux réunis notamment au sein des FVG préviennent qu’ils ne tolèrent pas un glissement. Ils menacent d’ailleurs de manifester pour exiger le respect du délai. Que faut-il pour éviter l’escalade ?
Les manifestations n’ont pas été la solution, elles ne seront pas la solution, la solution se trouve autour du dialogue dans le respect des lois de la République et de la justice. Le glissement est déjà consommé, il faut plutôt penser à se retrouver vite pour tirer toutes les conséquences et repartir sur une nouvelle base quitte à négocier avec les militaires d’un gouvernement de large consensus pour exécuter le consensus qui sera trouvé autour de cet agenda commun non partisan autour des priorités du nouveau chronogramme qui sera établi ici en Guinée entre nous Guinéens.
Ne pensez-vous pas que le non-respect des engagements par le CNRD risque de plonger le pays dans une instabilité ?
Non! Les Guinéens ont d’autres priorités que de se battre dans la rue ou s’entretuer pour un chronogramme irréaliste. Nos compatriotes veulent travailler, manger, se loger, se déplacer aisément, s’éduquer, se soigner, s’informer et communiquer librement entre eux et être traités au même pied d’égalité par la justice de leur pays et l’administration publique. C’est pourquoi, le gouvernement de transition et le CNRD intègrent ces dimensions sociales et économiques dans leur agenda de la Transition pendant que les politiques estiment à tort ou à raison que seul l’agenda politique électoral devrait focaliser les énergies. Donc, il y a une nécessité d’un alignement pour nous permettre de parler un tant soit peu le même langage sur les priorités du temps qui nous reste pour passer la main aux civiles.
Sur les 10 étapes de la transition, aucune n’est encore réalisée. N’est-ce pas là une preuve que la junte veut se maintenir au pouvoir au-delà de 2024 ?
Les dix points du chronogramme avec la CEDEAO ne concernent que le volet politique électoral de la transition alors que les autorités de la transition n’ont pas que les élections à organiser, car nous sommes un pays pauvre avec des ressources rares qu’il faut allouer prioritairement aux besoins vitaux de la population comme les routes par exemple. C’est pourquoi, dans son discours du nouvel an, Général Mamadi Doumbouya a énuméré les priorités 2024 sur le plan politique autour du Fichier électoral et de la nouvelle Constitution. C’est à nous de les aider à exécuter ces deux points rapidement pour pouvoir entamer les autres étapes qui sont dépendantes des ces deux priorités 2024 du CNRD.
Le ministre de l’Administration du territoire porte un projet de redécoupage des communes adopté par le CNT. Des partis comme UFDG dénoncent déjà un autre Coup d’État. Est-ce une nécessité de faire ce travail pendant cette période ?
Ce découpage est maintenant venu trop tard car depuis des années le grand Conakry a complètement changé en terme de peuplement, de géographie, d’urbanisme, de mixité et d’organisation économique, l’organisation politique devrait suivre pour corriger des injustices comme par exemple le nombre de députés, la proximité des services sociaux de base et de l’administration publique. Depuis longtemps, l’ancienne commune de Ratoma méritait trois députés comme Matoto, Coyah et Dubreka. Et c’est pendant cette période exceptionnelle où aucun parti politique n’est au pouvoir qu’il faut faire ce découpage sans arrière pensée politique pour ne pas biaiser ce travail indispensable avant d’aller aux élections. Ceux qui sont contre le disent à cause uniquement de leur intérêt politique avec l’ancien découpage.
Le CNRD est en train de mettre en place les délégations spéciales en remplacement des maires. Quelle est l’urgence selon vous ?
Cela devrait être fait depuis le 5 septembre 2021 comme devrait être le cas de la dissolution des partis politiques, car nous avons besoin de la neutralité à tous les niveaux pendant cette transition pour mieux refonder l’organisation politique du pays sans influence partisane, ni au sommet, ni à la base. C’est donc une bonne chose dans les principes que cela intervient après que les mandats électoraux des anciens conseillers sont arrivés à terme. Mais la précipitation dans la collecte des listes auprès des sous préfets, préfets et gouverneurs nous effraie par rapport au consensus et à l’orthodoxie autour de ces listes remontées auprès du MATD. Avec ce délai extrêmement court de 48 heures qui ne donne aucune possibilité aux autorités de faire une large consultation des structures locales de la société civile, des jeunes, des femmes, des retraités et des religieux.
Le président multiplie les voyages à travers le monde. Le dernier est celui du Rwanda. Pour vous qu’est-ce que ce pays peut apporter à la Guinée ?
Effectivement, en 30 mois d’exercice du pouvoir, Général Mamadi Doumbouya a visité le Mali, la Turquie, les États-Unis, l’Arabie Saoudite et maintenant le Rwanda. Pendant ce temps, nous avons envoyé et reçu plusieurs ambassadeurs de par le monde. Cela démontre la vivacité de notre démocratie et l’ouverture de notre transition au monde. Cela doit continuer et nous encourageons le président à s’impliquer foncièrement dans la crise diplomatique entre les pays en transition en Afrique de l’Ouest et la CEDEAO, dans un esprit panafricaniste qui caractérise notre pays et en ligne avec son discours de New-York en Septembre 2023.
Depuis début novembre, l’Internet est coupé en Guinée, des radios sont bloquées, des journalistes sont arrêtés. Est-ce que vous comprenez les raisons invoquées par les autorités pour motiver cette décision ?
Selon le gouvernement, les raisons sont liées à des questions de sécurité nationale dont le gouvernement seul en a les détails. C’est difficile de vivre une telle situation avec notre génération, mais nous comprenons.
Quel regard portez-vous sur la liberté d’expression sous CNRD ?
La liberté d’expression est consacrée et connaît une période de crise, mais le ministère de l’Information et celui des Télécommunications, l’ARPT, la HAC et les associations doivent prendre leur responsabilité pour libérer l’information en dialoguant et en se parlant régulièrement pour anticiper sur les dérapages pour que la communication ne soit plus stigmatisée comme vecteur d’insécurité nationale, mais plutôt facteur de paix, de développement et de sécurité nationale.
Le Mali, le Burkina et le Niger se sont retirés de la CEDEAO. Qu’en pensez-vous ?
La faute à une absence de leadership éclairée à la tête de l’organisation ces dernières années qui ont vu la CEDEAO abandonner sa mission principale sécuritaire au Sahel et dans les pays comme la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Niger où les modifications de constitution, les fraudes électorales, le harcèlement politique de concurrents dans le seul but de rester au pouvoir ont été tolérés. Nous appelons à une solution négociée avec des réformes de l’organisation et juste dans cette perspective, la Guinée et son Président peuvent y jouer un grand rôle.
L’ONG Transparency international a sorti son Indice de perception de la corruption. Il ressort que la Guinée est parmi les 40 pays les plus corrompus. Quelle est votre appréciation du combat que mène la junte par rapport à la lutte contre la corruption ?
La Guinée a fait une légère amélioration d’un seul point entre 2022 et 2023, mais il reste encore du travail car la corruption en Guinée est alimentée par le poids écrasant de l’Etat dans le marché du travail. Ce qui ne devrait pas être le cas si le secteur privé, plus exigeante dans cette lutte, avait pu prendre sa place dans notre économie depuis 1984 comme l’avaient souhaité les militaires du 3 avril 1984.
Le Syli engagé à la Can Côte d’Ivoire 2023 est qualifié en 1/4 de finale. Comment vous avez suivi sa prestation et quels conseils pour les joueurs et l’équipe d’encadrement ?
Nous souhaitons bonne chance au Syli pour la suite de la compétition et profitons de l’occasion pour remercier tous ceux qui œuvrent pour la refondation du football en Guinée qui est sortie de sa transition avec le CONOR et qui marche maintenant avec une seule tête, une seule équipe, un seul objectif, un seul leadership et une seule vision. Comme le football, chaque secteur doit accepter de se refaire et de se refonder pendant cette transition de la dernière chance qui travaille pour dépolitiser toutes nos organisations d’intérêts collectifs.
L’article Retour à l’ordre constitutionnel : “Le glissement est déjà consommé…”, selon Bogola Haba est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.