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A l’occasion d’un échange avec le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, ce mercredi 10 janvier 2024, les diplomates accrédités en Guinée ont exprimé leur position vis-à-vis des restrictions de l’internet et la pénurie du carburant auxquelles le pays est confronté.
L’ambassadeur d’Allemagne, Ulrich Meier-Tesch, l’un des plus anciens dans le pays, a indiqué que “la situation est pire” qu’au temps d’Alpha Condé. « Nous souffrons des problèmes de communication. En dehors de l’ambassade, je ne peux plus communiquer. C’est quelque chose qui gêne beaucoup dans le travail. J’ai 4 sur 7 collègues qui roulent à essence. Ça veut dire qu’il y a déjà qui va arrêter de venir à l’ambassade, elle va travailler à partir de la maison parce que son réservoir est à plat. Si ça continue encore la semaine prochaine et d’autres semaines, ça risque de nous amener à arrêter le travail à l’ambassade. Notre souci majeur, par contre, c’est la situation de la liberté de la presse, la liberté pour les citoyens de s’informer. C’est une situation dommageable, et ça donne une très mauvaise image de la Guinée (…). Cela nuit beaucoup à l’image de la Guinée. Je suis un des plus anciens ambassadeurs en Guinée, j’ai vécu entre 2019 et 2020, sous le régime du président Alpha Condé, des restructurations. Malheureusement, je dois constater que maintenant, la situation est pire, bien que le gouvernement de transition soit venu avec la position d’améliorer la situation. Dans le domaine de la liberté d’information et de presse, ce que le gouvernement de transition a décidé va plus loin que ce qu’Alpha Condé n’a jamais décidé ».
Abondant dans le même sens, Marc Fonbaustier, ambassadeur de France, a expliqué qu’il n’arrive pas à faire 50% de son travail à cause de la restriction d’internet. « Le fonctionnement des missions diplomatiques est quelque chose d’important pour la Guinée, mais aussi pour nous. Il se trouve que les mesures qui semblent avoir été prises depuis fin novembre portent une réelle atteinte au fonctionnement régulier de nos missions. En ce qui concerne mon travail d’ambassadeur de France, je vois trois atteintes liées à cette situation qui me posent des difficultés. Je ne peux plus travailler depuis ma résidence avec mes moyens de communication dédiés avec le ministère. La deuxième, quand je suis dans mon véhicule de fonction, l’instrument qui m’a été donné par mon gouvernement, ne peut plus être opérant. La troisième préoccupation, qui me semble plus pertinente, concerne les visas. Je travaille actuellement avec deux tunnels VPN dont l’un n’est pas opérant, ce qui fait que je suis à 50% de ma capacité de délivrance des visas. Je pense que c’est quelque chose qui parle à tout le monde et je suis persuadé que je ne suis pas la seule mission diplomatique dont la mission consulaire est en ce moment affectée et impactée par les mesures d’ordre général. Ma deuxième remarque, c’est qu’en tant qu’ami de la Guinée, je ne pense pas qu’il soit facile aujourd’hui, pour nous ambassades, de convaincre des opérateurs économiques, de venir investir en Guinée quand ils ne sont pas certains de pouvoir communiquer, informer et échanger normalement. Autrement dit, l’image du pays est actuellement affectée négativement et gravement. Troisièmement : se superpose à ces autres problèmes, la crise du carburant. On peut considérer que c’est un élément exogène. Cela peut affecter nos missions dans la mesure où, à date, il n’y a pas eu de traitement spécifique réservé au corps diplomatique, aux missions diplomatiques et consulaires, pour accéder au carburant. Je pense, Monsieur le ministre, que nous allons trouver des solutions pratiques, si cette situation de crise de carburant devait durer longtemps. Il faudrait peut-être réfléchir à une solution amiable qui permette de restaurer le fonctionnement normal des ambassades et missions consulaires. Mais, nous pensons d’abord à la population de la Guinée qui souffre en ce moment et à tous les efforts que vous avez faits ».
Au-delà de l’impact de la restriction de l’internet sur les activités économiques du pays, Mme Jolita Pons, représentante de l’Union européenne, estime aussi que cela nuit à l’image de la Guinée à l’international. « Pour nous, les restrictions imposées à un certain groupe de médias pose, au-delà du problème de communication, celui des libertés d’expression. C’est un problème très sérieux. À part la liberté des citoyens, c’est un problème de réputation pour la Guinée. On se pose beaucoup de questions notamment dans quelle mesure ces restrictions sont justifiées, proportionnées, nécessaires. En tant que pays amis de la Guinée, on se demande si ces restrictions ne sont pas contre-productives. On souhaite que cette dernière année de transition se passe dans le climat le plus paisible possible.»
En réponse, le ministre Morissanda Kouyaté que le gouvernement et même la présidence sont affectés par la restriction de l’internet. “Les préoccupations qui ont été posées sont les préoccupations de tout le monde. Les difficultés qu’il y a dans les ambassades sont les mêmes difficultés dans nos ministères, quant aux problèmes de connexion et même à la présidence. Le gouvernement n’a pas un VPN personnel pour dire qu’ils sont en dehors. Nous sommes tous affectés. Nous sommes affectés par un problème sécuritaire. On ne peut aller plus loin. Mais ensemble avec eux, nous allons pouvoir travailler pour résoudre ces problèmes et aller le plus tôt possible. Nous sommes en développement, nous avons besoin de toutes ces choses mais tout ça se discute quand il y a la sécurité. Ensemble avec eux, nous allons trouver le juste milieu, et voir comment la Guinée peut continuer sa marche vers la transformation de ce pays. Aux ambassadeurs, je les remercie pour la qualité des échanges, le respect et la considération”.
L’article Restriction de l’internet et pénurie du carburant : des diplomates expriment leurs préoccupations au gouvernement est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.