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A quelques minutes d’un match contre le Congo Brazzaville, il y avait un très jeune joueur, ailier droit, très virevoltant, que je devais suivre de près. C’était une équipe que nous avions maintes fois rencontré et les dirigeants congolais m’avaient repéré pour ma rigueur du côté gauche de la défense guinéenne. C’est ainsi qu’ils ont rencontré le capitaine, feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’, pour me demander de doser ma rudesse sur l’adversaire. Ce jour, j’ai dit ceci à ‘’ Edenté’’ : « Il vaut mieux me remplacer, parce que, je vous le dis sincèrement, malgré tout le respect que je vous dois, si je fais partie du classement, je ferai mon travail… »
Le plus souvent, dans mon quartier, les gens me disaient en susu ’’ i dangi balon mu dangima, balon dangi itan mu dangima’’ (littéralement traduit en français ‘’ tu passes, le ballon ne passe pas. Le ballon passe, toi tu ne passes passes pas »).
Encore vif, malgré ses 78 ans, c’est à Dubréka, dans le quartier‘’Madina Lambanyi’’, que nous l’avons rencontré. Dans ce premier volet de l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il est tout d’abord question de son parcours dans ses grandes lignes, marqué par des faits saillants qui ont jalonné sa brillante carrière de footballeur.
Sékou Condé le ‘’ bondissant’’ est né le 27 décembre 1945 à Conakry. Il est fils de feu El hadj Oumar et de feue Adama Diouldé Barry. Il est marié à une seule femme et père de 7 enfants, dont 5 garçons.
Il effectuera son cycle primaire à l’école de Tombo, le secondaire à Siguiri, d’où il s’orientera dans l’apprentissage de la mécanique automobile à Siguiri. Il a servi par la suite dans l’administration, précisément aux garages du gouvernement, puis à l’ENTRAT d’où il prendra sa retraite, en décembre 2008.
Dans cette première partie, du long, mais enrichissant entretien, qu’il nous a accordé, le ‘’Bondissant’’ Sékou Condé nous relate les grandes lignes de son parcours, entre autres certains faits vécus dans le football guinéen et l’origine de son pseudonyme ‘’ le Bondissant’’. Lisez !
Guineenews : vous avez été défenseur, latéral gauche de plusieurs clubs et du Syli national de Guinée et du Hafia Football Club. Dites nous comment vous êtes arrivé au football? :
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : depuis l’enfance j’ai aimé le football et tout a commencé à Siguiri où mon père servait en qualité de commandant d’arrondissement. J’ai toujours été un grand amateur du football et à Siguiri, nous avions formé une équipe qui, après l’indépendance a été reconduite comme équipe fédérale. C’est lors d’une compétition dénommée ‘’Coupe PDG’’, que j’ai été repéré et sélectionné par l’entraineur de la sélection nationale de Guinée Lazlo Boudai au sein du Syli national. Je fus sélectionné aussi dans l’équipe B, pour aller suivre un stage de formation en Hongrie. C’est au retour de ce stage que je fus sélectionné en équipe A, dans laquelle évoluaient de grandes figures du football guinéen de l’époque. Je peux citer, feu Ibrahima Kandia Diallo, Bafodé Sacko, feu Pierre Bangoura, feu Baratte et tant d’autres. C’est à partir de là que mon ascension vers les plus hauts sommets a commencé.
Après la constitution de l’équipe nationale de Guinée, pour renforcer les équipes fédérales, ils ont demandé à chacun de nous de rejoindre l’équipe d’arrondissement et celle fédérale de sa résidence. C’est ainsi que j’ai appartenu aux grandes équipes du 3ème arrondissement et du Kaloum star de Conakry 1. Finalement, j’ai joué pour le Hafia football club qui a été champion d’Afrique des clubs en 1972. Voilà, résumé en bref, le cheminement qui m’a conduit dans la carrière de footballeur professionnel. Lisez !
Guineenews : dites nous quelle est votre taille et comment le surnom ‘’le bondissant’’ vous a été attribué ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : Ah ! Ma taille, dites vous ? Pourquoi? Je ne saurais vous la communiquer et veuillez voir par vous-même (rires). Quant au surnom ‘’ le Bondissant’’, cette question devrait être posée à feu Boubacar Kanté, ce grand journaliste et j’ajouterais, célèbre ‘’Griot’’ des équipes guinéennes d’alors. C’est lui qui m’a collé ce surnom qui me suit jusque-là. Paix à son âme ! Voilà quelqu’un qui a toujours et très bien, soutenu toutes nos équipes et aussi notre musique moderne.
Guineenews : on dit de vous, que vous êtes un défenseur coriace qui n’a jamais laissé le dernier mot aux ailiers droits. Cela est-il vrai et quels étaient vos atouts ou qualités techniques, pour le réussir sur le terrain ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : je vais rester humble et modeste. Certes, mes qualités techniques n’étaient pas si élogieuses qu’on pourrait le penser. Toutefois, si on me confie un ailier droit réputé très dangereux, et qui en quelques secondes peut renverser la situation, c’est en ce moment qu’il me sentira durant les 90 minutes. J’ai toujours, de près ou de loin, collé mes adversaires.
C’est vrai que j’ai été un défenseur résistant, qui assumait rigoureusement les consignes de l’entraineur ou du staff technique.
Guineenews : est-ce qu’il y a un footballeur qui vous a réellement rendu la tâche difficile, durant un match et si oui, racontez nous comment cela s’était passé ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : je ne peux citer que le nom de Tschinabou Martin dit ‘’Brinch’’, un ailier droit zaïrois. Ce jour, je ne figurais pas sur la feuille de match et je n’avais pas suivi l’internat de la sélection. J’étais là, en tant que spectateur à la tribune, en compagnie de mes 2 enfants. C’est de cette tribune, que j’ai été sollicité pour venir remplacer feu Arsène Campell. Surpris à plus d’un titre, je suis descendu pour enfiler le maillot de la sélection et enfin faire face à ce redoutable ailier droit zaïrois, qui était l’un des meilleurs du continent. Dans tous les cas, j’ai pu me défendre ce jour, à la hauteur de mes possibilités, et ce ne fut pas tâche facile.
Guineenews : vous étiez de la fête en 1972, lorsque le Hafia football club fut sacré champion d’Afrique. Qu’aviez-vous ressenti à cette époque, après le coup de sifflet final ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : nous étions débordés de joie, quand nous avions vu feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’, soulever ce trophée continental dénommé Osagyefo Docteur N’Kwamè N’Krumah. L’ambiance était indescriptible, du Nakivubo stadium de Kampala à l’aéroport international de Conakry Gbessia, lors de notre retour. D’ailleurs je vous informe que mon 3ème fils, est né en septembre 1972, deux mois avant cette consécration. La fête fut vraiment belle, en compagnie de ma chère épouse, Hadja N’Sira Touré, ma compagne de vie, pour le meilleur et pour le pire.
Guineenews : avez-vous un bon ou un mauvais souvenir qui vous revient à chaque moment, quand vous évoquez votre parcours ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : je n’oublierais pas le jour où je fus appelé, de façon absolument inattendue, sur la pelouse, afin de remplacer feu Arsène Campell pendant un match international du Syli. C’est un souvenir qui me revient tous les jours et je pense que cela n’arrive pas souvent à un footballeur.
Le plus mauvais souvenir est celui qui s’est passé lors d’un match contre une équipe Tchèque. Et dans la même situation que celle que je viens d’évoquer s’agissant du bon souvenir, j’ai été, cette fois encore, littéralement ‘’cueilli’’ de la tribune, où je me trouvais, pour livrer ce match. J’avoue que j’ai eu chaud ce jour et sans vous mentir, je m’étais investi pleinement, pour défendre les couleurs de mon pays. L’adversaire avait néanmoins pris le dessus sur nous. De cela, je me souviens encore.
Guineenews : quelles sont les compétitions africaines et internationales auxquelles vous avez participé ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : j’ai participé à plusieurs compétions africaines et internationales.
J’étais à Mexico en 1968, lors des jeux olympiques. J’ai livré beaucoup de matchs internationaux, en équipe B, pendant notre formation en Hongrie. Il y en a eu plusieurs autres, sans compter que sur le plan africain, j’ai joué longtemps avec le Syli national et le Hafia football club. Vous me voyez désolé, ma mémoire est défaillante. Elle n’est plus au beau fixe, pour vous satisfaire avec la chronologie exacte de tous ces matchs dont je veux vous parler. Dans tous les cas, la liste est longue pour décrire mes participations à toutes ces compétitions.
Guineenews : d’après plusieurs observateurs de l’époque, le ‘’bondissant’’ Sékou Condé, était un défenseur très dur et même brutal. Qu’en dites vous ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : (rires) la brutalité n’est pas synonyme d’être dur. Je ne me laissais pas faire, il me fallait toujours avoir le dessus sur l’adversaire. Il fallait que l’adversaire ressente qu’il a un vrai garde du corps auprès de lui et j’ai toujours assumé ce rôle, du mieux possible.
Guineenews : des renseignements reçus après une interview d’un de vos coéquipiers du Syli national et du Hafia, en l’occurrence, Ibrahima Calva1 Fofana, feu ‘’Soumah Soriba ‘’Edenté’’ vous reprochait souvent pour l’ardeur défensive ou ‘’brutale’’, que vous exerciez sur votre adversaire du jour. Que pouvez-vous en dire ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : je confirme que c’était à Brazzaville, au Congo, contre leur équipe nationale.
Il y avait alors, un très jeune joueur, ailier droit très virevoltant, que je devais suivre de près. C’était une équipe que nous avions maintes fois rencontré et les dirigeants congolais m’avaient repéré pour ma rigueur du côté gauche de la défense guinéenne. C’est ainsi qu’ils ont rencontré le capitaine, feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’, pour me demander de doser ma rigueur sur l’adversaire. Ce jour, j’ai dit à ‘’ Edenté’’ ceci : « Il vaut mieux me remplacer, parce que, je vous le dis sincèrement, malgré tout le respect que je vous dois, si je fais partie du classement, je ferai mon travail… »
Le plus souvent, dans mon quartier, les gens me disaient en susu ’’ i dangi balon mu dangima, balon dangi itan mu dangima’’ (littéralement traduit en français: ‘’ tu passes, le ballon ne passe pas. Le ballon passe, toi, tu ne passes pas’’.
Guineenews : parmi vos coéquipiers d’alors, quel est celui qui a le plus retenu votre attention et donnez nous les raisons de votre choix ?
Sékou Condé ‘’ le bondissant’’ : Sans aucun risque de me tromper, c’est feu Soumah Soriba ‘’Edenté’’, qui m’a réellement impressionné. Quand ‘’Edenté’’ jouait dans l’axe central, j’étais vraiment à l’aise et convaincu que derrière moi, la garde était assurée. Ce qui me poussait le plus souvent à monter à l’offensive dans le camp de l’équipe adverse. Soumah Soriba ‘’Edenté’’ avait un extraordinaire sens du placement. C’était un footballeur accompli, complet.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews.