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Le célèbre écrivain guinéen, Tierno Monénembo fait partie des Guinéens qui suivent de près la crise dans laquelle le pays est plongé. La censure infligée aux médias, l’arrestation de journalistes, et l’inaccessibilité aux réseaux sociaux sont autant de facteurs qui justifient une gouvernance autocratique aux yeux de l’écrivain de renom.
Dans un entretien accordé à notre rédaction ce lundi 22 janvier 2024, Tierno Monénembo a longuement énuméré les signes d’une dictature en gestation.
Interview !
Mosaiqueguinee.com: Tierno Monénembo bonjour. Les Guinéens connaissent une difficulté d’accès à internet depuis 2 mois. L’espace médiatique est également restreint. Des journalistes se font arrêter pour avoir dénoncé cette censure. Comment percevez-vous cette situation qui commence à perdurer ?
Tierno Monénembo : Cela a un nom, embastiller les journalistes, museler la presse, briser les moyens de communication, cela s’appelle le despotisme. Le régime de Mamadi Doumbouya ne peut plus avancer masqué. Son vernis démocratique a fondu. Comme son mentor Sékou Touré, pour
survivre, il est obligé de réprimer. Aujourd’hui, il tord le cou à l’Internet, demain, il tordra le coup à tous ceux qui s’opposeront à sa volonté manifeste de torpiller la Transition pour régner en solitaire et pour une durée illimitée. Mamadi Doumbouya mesure-t-il seulement les conséquences économiques et diplomatiques de cet acte puéril, indigne d’un homme d’Etat moderne ? Les entreprises sont au chômage technique. Les ambassades menacent de fermer la porte. C’est la preuve irréfutable que pour notre putschiste du 5 Septembre, les intérêts supérieurs de la nation guinéenne ne comptent pas. Ce qui compte, c’est son petit pouvoir personnel.
Pour justifier cette mesure du gouvernement, le ministre porte-parole a d’ailleurs déclaré que l’internet n’est pas un droit. Pourtant beaucoup d’États reconnaissent que l’internet est devenu une nécessité pour les peuples. Qu’en pensez-vous ?
C’est le genre de fadaise que l’on entend qu’en Guinée. Évidement, l’Etat guinéen, ce grand barbare, ne reconnaît même pas à ses citoyens le droit à la vie ! Comment voulez-vous qu’il leur accorde celui de communiquer ? N’en déplaise au
ministre Gaoual Diallo, les technologies nouvelles élargissent le champ des libertés. Elles offrent de nouveaux droits et réduisent les privilèges. Internet est un puissant allié de la démocratie, les tyrans le savent. Y Accéder est devenu un droit de fait, du même ressort que celui d’accéder à l’école ou à la santé. Le réduire, c’est faire acte de despotisme; le supprimer, c’est replonger le peuple dans les ténèbres de la préhistoire.
Le carburant devient de plus en plus rare et les Guinéens souffrent de la rareté de cette denrée depuis l’explosion du dépôt central d’hydrocarbures. Plusieurs observateurs estiment que le pays manque de politique de prévention. Est-ce vous êtes d’avis ?
Bien sûr. « Gouverner, c’est prévoir », dit l’adage. Le gouvernement guinéen ne s’est jamais occupé de prévoir. Sinon, il n’aurait pas installé le principal dépôt de carburant du pays en pleine ville entre le port, la présidence de la République, les ministères et les habitations de fortune. L’explosion que nous venons de vivre n’a rien d’un accident.
L’organisation des élections semble ne pas être à l’ordre du jour chez le Comité National du Rassemblement pour le Développement. Les Guinéens craignent tous le non-respect du chronogramme puisque deux ans se sont déjà écoulés. Qu’en pensez-vous?
Entendez-vous Mamadi Doumbouya parler de chronogramme électoral ? Non. Il ne parle que de projets à long terme en s’octroyant au passage, et aux frais de l’Etat, des panneaux publicitaires
vantant ses mérites. Dans son esprit, il n’est pas le président de la Transition mais le président de la République, il est là pour durer ou plutôt pour s’éterniser. On n’en serait pas arrivé là si dès le début, on lui avait fait comprendre que son rôle n’est pas de creuser des tunnels ou de baptiser des aéroports. Les Guinéens n’ont pas besoin d’un colonel bâtisseur, ils ont besoin d’élections rapides, régulières et transparentes.
D’ailleurs le gouvernement décide d’installer des délégations spéciales au sein des mairies au lieu d’élire les conseillers pensez-vous que c’est la bonne option ?
Les délégations spéciales dans les mairies ne sont rien d’autre que les pierres angulaires de la dictature en construction. Demain, quand arrivera le pire, personne ne dira qu’il ne savait pas. Il est temps d’agir. Ce régime a peur. L’évasion spectaculaire des prisonniers de Coronthie suivie de la mystérieuse disparition de Pivi, l’a fortement fragilisé. Or, il n’y a rien de plus dangereux qu’un dictateur qui tremble.
M. Tierno Monénembo pour terminer est-ce-que vous comptez écrire sur la Guinée actuelle compte-tenu de la situation sociale et politique du pays 65 ans après son indépendance ?
Vous savez, la Guinée est la matière principale de mon œuvre. Je n’ai jamais cessé d’en parler, je ne le cesserai jamais, que ce soit par mes romans, par mes pièces de théâtres ou par mes chroniques. Cela, jusqu’à la tombe !
Entretien réalisé par Hadja Kadé Barry