Malades mentaux dans les rues de Conakry : un danger sous-estimé ?

il y a 7 heures 16
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Dans les rues de Conakry, il est de plus en plus fréquent de croiser des personnes atteintes de troubles mentaux, souvent errant avec de nombreux bagages. Cette situation, en plus d’offrir une image dégradée de la capitale, suscite une vive inquiétude au sein de la population. Certains de ces malades, parfois agressifs, représentent une menace pour la sécurité des citoyens. Beaucoup, issus de quartiers défavorisés et abandonnés par leurs familles, se déplacent nus, choquant les passants et semant la peur dans les lieux publics. Les habitants de Conakry sont de plus en plus victimes d’agressions perpétrées par des malades mentaux dont le nombre ne cesse de croître.

« J’ai été tabassée par un fou au marché de Matoto récemment. Ce jour-là, alors que je me rendais à un mariage et que je faisais quelques courses tôt le matin, j’ai croisé un malade mental couché devant un magasin. Contre toute attente, il s’est saisi d’un bâton et m’a violemment frappée », témoigne Mariam Soumah, rencontrée à la salle de pansement d’un centre hospitalier.

Dame M’Mahawa Camara, une autre victime, garde un souvenir amer de son agression. « Je revenais du baptême de l’enfant de ma petite sœur un samedi. Arrivée au rond-point de Gbessia, un fou m’a rejointe sur le trottoir. Prise de peur, j’ai tenté de traverser pour l’éviter, mais il a fait de même avant de m’arracher mon pagne dans une tentative d’agression sexuelle. Heureusement, des passants sont intervenus rapidement pour éviter le pire », raconte-t-elle, lançant un appel pressant aux autorités pour une prise en charge effective de ces malades.

Une menace quotidienne pour les habitants

Certaines figures parmi ces malades sont bien connues des habitants de Conakry. Tata Fatou, une femme atteinte de troubles mentaux, s’est fait un nom en raison de son comportement imprévisible. Elle rôde près d’un établissement bancaire à Kaloum et attaque parfois les passants.

« Cette folle est étonnamment propre, mais elle n’épargne personne. Un jour, alors que je marchais avec des amis, elle m’a lancé un balai au visage. J’ai eu très mal, mais mes compagnons ont trouvé la scène amusante. J’ai voulu répliquer, mais des témoins m’en ont dissuadé », témoigne Aliou Barry.

Une vendeuse de fonio, installée près de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), raconte une mésaventure similaire : « Un autre fou, surnommé John, a pris la fuite avec un plat que je venais de servir à un client. »

Une colère grandissante contre l’inaction des autorités

Le 30 décembre dernier, un autre malade mental a semé la panique au grand marché de Madina. Âgé d’environ 30 à 35 ans, il a frappé un motocycliste avec une barre de fer, déclenchant la colère des commerçants. La foule s’est ruée sur lui pour le neutraliser, mais il a pris la fuite avant d’être rattrapé. Alors que certains tentaient de le protéger, d’autres le rouaient de coups, affirmant qu’il n’en était pas à son premier forfait.

Des habitants du quartier SIG-Madina affirment que cet homme était particulièrement agressif, s’attaquant aux passants avec des objets dangereux comme des barres de fer, des morceaux de bois ou même des armes blanches. « À cause de lui, les femmes ont peur d’aller au marché », confie un riverain. Ce jour-là, la population a décidé d’en finir avec lui. L’homme a finalement trouvé refuge dans un bâtiment inachevé, gravement blessé à la tête.

La santé mentale, un tabou persistant en Afrique

En Afrique, la santé mentale reste un sujet largement incompris et stigmatisé. « Je comprends qu’un homme se pende parce que sa femme l’a quitté, qu’il est au chômage, qu’il croit avoir été ensorcelé ou qu’il a été surpris en train d’embrasser sa belle-mère. Mais se suicider à cause d’une dépression ? Ce n’est tout simplement pas africain », ironise le Dr Dramé.

Malgré l’ampleur des besoins, les troubles mentaux demeurent les parents pauvres des politiques de santé publique. L’errance des malades dans les grandes villes est devenue un phénomène presque banal. « Depuis mon enfance, je vois des personnes nues errer dans la rue, manger dans des bacs à ordures, déféquer en pleine chaussée, s’accoupler en public ou encore agresser des passants. J’ai aussi entendu des histoires de viols de femmes atteintes de troubles mentaux et de meurtres rituels impliquant ces malades. Pourtant, ils ne constituent pas un véritable sujet d’attention », déplore un médecin.

En Guinée, comme dans de nombreux pays africains, les maladies mentales sont mal comprises et les malades souvent rejetés par leurs familles. Selon le Dr Dramé, environ 70 % des patients consultent d’abord des tradipraticiens avant de se tourner vers la médecine moderne.

La situation est d’autant plus préoccupante que les États africains consacrent en moyenne seulement 0,46 dollar par habitant à la prise en charge des troubles mentaux, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande au moins 2 dollars dans les pays à faible revenu. Ce sous-investissement, combiné aux tabous persistants, entrave toute amélioration des conditions de vie des malades.

Face aux agressions répétées impliquant des malades mentaux, la population de Conakry aspire à une solution durable : la construction d’un véritable hôpital psychiatrique pour assurer leur prise en charge et garantir la sécurité de tous.

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