La pêche en 2024: le secteur, entre défis sécuritaires, écologiques et réformes inéluctables

il y a 1 jour 25
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

L’année 2024 a été une année marquée par des événements tragiques, des crises environnementales et des réformes qui s’avèrent urgentes dans le secteur de la pêche en Guinée. Face à une situation de plus en plus intenable, les acteurs de ce secteur vital ont dû faire face à des tragédies humaines en mer, à la pollution, à des préoccupations sanitaires et à des initiatives pour assainir et moderniser les infrastructures de pêche, notamment les débarcadères. Un bilan complexe, où cohabitent défis majeurs et avancées dans la gestion des ressources halieutiques.

Tragédies maritimes : un secteur en crise de sécurité

L’un des événements les plus tragiques de l’année a été l’accident survenu le 4 septembre, où le navire semi-industriel Kakandé Fishing 1, en mer au large de Boffa, a chaviré dans des conditions météorologiques difficiles. L’accident a entraîné la mort de cinq personnes, dont des nationaux chinois, guinéens et sierra-léonais, ainsi que quatre disparus. Cet événement a mis en lumière les dangers auxquels sont confrontés les pêcheurs, tant artisans qu’industriels, sur le plan sécuritaire.

Un mois plus tard, le 23 novembre, un autre accident a affligé la communauté de pêcheurs guinéens. À proximité de Maferinyah, une pirogue artisanale a été percutée par un navire de la société minière Mont Nimba, faisant un pêcheur disparu.  Ce cas de disparu comme les quatre lors du chavirage du Kakandé Fishing 1, n’ont pas été retrouvé à date. Ces drames soulignent l’importance d’améliorer la sécurité maritime et de mieux réguler les activités de pêche en Guinée.

Pollution et risques sanitaires : un secteur en danger

L’année 2024 a également été marquée par une crise sanitaire liée à la pollution des eaux maritimes, qui affecte gravement la santé des pêcheurs. En février, plusieurs pêcheurs de Koukoudé, dans la région de Boffa, ont été victimes d’éruptions cutanées graves après un déversement de produits chimiques dans la mer. Des symptômes semblables à des brûlures ont été observés, incitant huits victimes (pour ceux qui ont été déclarés) à être hospitalisées. Ce phénomène, déjà constaté en 2023, a été imputé à la pollution causée par les activités minières. La Fédération Nationale des Pêcheurs Artisanaux de Guinée (FENAPAG) a appelé à une action urgente, notamment la mise en place de mesures pour surveiller les zones affectées par les rejets industriels. Bien que des enquêtes aient été ouvertes, notamment par la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), elles sont restées sans grande évolution jusqu’à ce jour.

Déguerpissement des débarcadères : pour un meilleur assainissement des zones de pêche

Une autre facette de la crise dans le secteur de la pêche concerne l’insalubrité des débarcadères, qui sont devenus des foyers de pollution, de délinquance et de problèmes sanitaires. Les débarcadères, essentiels pour l’acheminement et la vente des produits de la mer, souffrent d’une gestion défaillante et de conditions de travail précaires pour les pêcheurs. À cette situation de dégradation s’ajoute une forte présence d’activités illégales et de jeunes consommateurs de drogues.

Face à cette situation alarmante, le gouvernement a lancé, depuis le 9  décembre 2024, une opération de déguerpissement et d’assainissement des débarcadères notamment à Témènètaye (Kaloum), Gbessia et Boulbinet qui se poursuivra à d’autres débarcadères. L’objectif était de débarrasser ces zones des occupations illégales et de remettre de l’ordre dans les infrastructures. Cette opération de nettoyage, dirigée par la DATU d’une part et le procureur général de l’autre, s’inscrit dans une initiative de lutte contre la délinquance et de réorganisation des espaces de travail des pêcheurs.

Si elle a permis de remettre de l’ordre et d’éliminer certains abris de fortune, la question de l’aménagement et de la gestion pérenne de ces infrastructures reste ouverte. Parallèlement à cette opération de déguerpissement, une saisie importante 450 kilogrammes de chanvre indien et de 600 kg de cocaïne ont été effectuées, soulignant les défis de sécurité dans ces zones sensibles.

Lutte contre la pêche illégale : une priorité non encore totalement maîtrisée

La lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) a continué d’être une priorité pour les autorités guinéennes en 2024. Le 28 octobre, un navire pirate battant pavillon égyptien a été arraisonné dans les eaux guinéennes, marquant un succès pour les forces de sécurité maritime. Le directeur du Centre National de Surveillance et de Police des Pêches (CNSP) a estimé que la Guinée perd chaque année plus de 200 millions de dollars à cause de cette pêche illégale. Malgré cet arraisonnement, la question de la gestion durable des ressources halieutiques et des moyens de surveillance en mer reste une problématique clé.

Réformes et initiatives : des avancées sous surveillance

Le gouvernement guinéen, sous l’égide de la ministre de la Pêche et de l’Économie maritime, Fatima Camara, a entrepris plusieurs réformes visant à améliorer la durabilité du secteur de la pêche. En juillet 2024, la ministère a lancé le Projet d’appui à la mise en œuvre du Plan Stratégique Halieutique, financé par la FAO, pour renforcer la gestion des pêcheries. Ce projet a pour objectif de promouvoir une pêche responsable et de garantir la durabilité des ressources marines. De même, la campagne de vulgarisation du Plan de Gestion et d’Exploitation des Pêcheries Maritimes a été lancée en mai 2024 pour sensibiliser les pêcheurs à de nouvelles consignes et à une meilleure gestion des ressources.

Cependant, malgré ces efforts, les infrastructures de base restent insuffisantes. L’insalubrité dans les débarcadères demeure un problème majeur, comme l’a souligné la ministre lors de sa tournée dans les ports de Boffa et Boké. Bien que des initiatives aient été lancées, comme la campagne d’assainissement à Boulbinet en mai 2024, la situation ne s’est guère améliorée, et de nombreuses zones de pêche restent en état de délabrement, sans aménagements adéquats pour les pêcheurs.

Une pêche artisanale en souffrance : des promesses non tenues

La pêche artisanale, qui constitue un pilier fondamental de l’approvisionnement local en produits halieutiques, continue de souffrir de la mauvaise gestion des infrastructures et des conditions de travail précaires. La promesse de la ministre d’améliorer les infrastructures de fumage et d’entreposage frigorifique est restée en grande partie non réalisée. De plus, l’absence de mesures concrètes pour assainir les débarcadères et améliorer les conditions de travail des pêcheurs artisanaux reste une source de frustration.

Des défis persistants malgré les réformes

L’année 2024 s’achève avec un bilan mitigé pour le secteur de la pêche en Guinée. Si certaines avancées ont été réalisées, notamment dans la lutte contre la pêche illégale et les efforts de sensibilisation à la gestion durable des ressources maritimes, de nombreux défis persistent. La sécurité des pêcheurs, la pollution des eaux et le manque d’infrastructures adaptées demeurent des problèmes majeurs. L’année 2025 devra, sans aucun doute, voir une accélération des réformes, afin de garantir un avenir plus sûr et durable pour la pêche en Guinée. Les attentes des acteurs du secteur sont grandes, mais les promesses du gouvernement devront se traduire par des actions concrètes pour améliorer réellement la situation des pêcheurs guinéens.

Lire l'article en entier