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La nuit du 17 au 18 décembre 2023 restera à jamais gravée dans l’histoire de la République de Guinée en raison d’un événement d’une ampleur considérable : l’incendie du plus grand dépôt de carburant de Kaloum. Au-delà des pertes humaines et matérielles tragiques, cet incident a mis en lumière les fragilités structurelles de l’économie guinéenne.
Cet article se propose d’analyser les conséquences économiques immédiates ainsi que les implications à long terme de cette tragédie. Toutes les données statistiques citées dans cet article sont tirées du discours prononcé par le gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) lors de l’ouverture de la session de présentation de la loi de finances initiale pour l’année 2024.
Bilan humain et matériel
Selon le communiqué n°6 du gouvernement, cette catastrophe a engendré la perte de 24 vies humaines et a blessé 285 personnes, touchant directement plus de 10 000 individus. La destruction d’environ 800 bâtiments témoigne de l’ampleur de la crise, qui a largement dépassé les frontières locales de Kaloum pour prendre une dimension nationale. En réponse à cette tragédie, le président de la transition a décrété trois jours de deuil national, tels qu’annoncés lors de son allocution à la nation le 20 décembre 2023.
Impacts économiques directs
La catastrophe a eu un impact direct sur l’économie guinéenne, notamment dans le secteur énergétique. Selon les prévisions de l’Institut National de la Statistique (INS), une réduction de 4,2 % des importations de pétrole raffiné est anticipée pour l’année 2023. Cette réduction a des répercussions sur le secteur des transports, un élément vital de l’économie, entraînant une baisse prévue de la croissance économique de 0,7 point de pourcentage. Cette diminution de la croissance économique aura plusieurs conséquences, notamment la perte d’emplois et le risque de non-respect de certains engagements de l’État.
Augmentation salariale, un engagement délicat à honorer
L’engagement majeur pris par le gouvernement guinéen de revaloriser la valeur monétaire du point d’indice à hauteur de 35 % de sa valeur à partir du 31 décembre 2023 pour tous les fonctionnaires et pensionnés revêt une importance cruciale dans le contexte économique actuel du pays.
Ce relèvement substantiel de la valeur monétaire du point d’indice représente une étape significative en vue d’améliorer les conditions de vie des fonctionnaires et pensionnés en Guinée, illustrant l’engagement inébranlable de l’État envers son personnel et ses retraités.
Toutefois, cette réalisation se heurte désormais à d’importants défis économiques, exacerbés par l’incendie de Kaloum et ses conséquences sur l’économie nationale. Le prévisible ralentissement de la croissance économique de 0,7 point de pourcentage en 2023, directement attribuable à la catastrophe, compromet la capacité de l’État à respecter cet engagement dans les délais impartis.
L’inflation et ses conséquences
L’impact immédiat sur les citoyens s’est traduit par une inflation galopante. Les tarifs de transport ont enregistré une hausse substantielle de plus de 60 % à l’échelle nationale, avec des augmentations encore plus marquées dans certaines régions. Les projections d’inflation pour décembre 2023 dépassent les 10 %, représentant une hausse considérable par rapport aux prévisions antérieures qui étaient en deçà de 5 %. À Conakry, cette inflation pourrait dépasser les 15 %, dépassant largement les 8 % observés en novembre 2023. Une inflation de 10 % signifie que le prix d’un article serait multiplié par 1,10, ce qui représente une augmentation de 10 %. Par conséquent, un article qui coûtait 5000 FG avant l’inflation coûterait environ 5500 FG après une inflation de 10 %. En résumé, avec la même somme d’argent, un ménage pourrait acheter moins d’articles après l’inflation qu’auparavant.
Impact sur les finances publiques
L’incendie survenu à Kaloum aura d’importantes répercussions sur la situation financière de l’État guinéen. Cette tragédie se traduira par une réduction significative des recettes, en particulier en raison du ralentissement des secteurs critiques, notamment les transports et l’énergie. Parallèlement, les dépenses augmenteront substantiellement en raison des coûts liés à l’assistance aux sinistrés et à la reconstruction des infrastructures endommagées. Cette conjoncture imposera inévitablement un réajustement budgétaire, potentiellement assorti d’un recours accru à l’emprunt et à la recherche de soutien financier à l’international.
À plus long terme, il est de la plus haute importance de concevoir une stratégie globale visant à assurer une reprise économique durable. Cette stratégie doit mettre en avant la diversification de l’économie et l’amélioration de la gestion des finances publiques, avec pour objectif de renforcer la résilience et la stabilité de l’économie guinéenne.
Dans ce contexte, il convient de souligner qu’une loi de finances rectificative sera soumise au Parlement au cours du premier trimestre de 2024. Cette mesure se révèle nécessaire, car le projet de loi de finances initiales pour l’année 2024, actuellement en cours d’examen au sein du Parlement transitoire, ne tient pas compte de la nouvelle situation macroéconomique du pays consécutive à l’incendie de Kaloum.
Stratégies monétaires et politiques
Face à ces défis, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a opté pour une politique monétaire accommodante lors de sa réunion du 22 septembre 2023. La réduction du taux directeur de 50 points de base, passant de 11,5 % à 11,0 %, ainsi que la diminution du taux de réserves obligatoires de 200 points de base, à 13,0 %, visent à injecter de la liquidité dans l’économie. Cette initiative a permis de libérer environ 5 000 milliards de GNF, destinés à soutenir à la fois, les secteurs privé et public.
Renforcement des réserves de change
Le gouvernement a mis en œuvre des politiques visant à renforcer la monnaie nationale et à atténuer l’inflation, notamment en rapatriant 50 % des recettes d’exportation depuis septembre 2023. Cette stratégie vise à stabiliser l’économie, en renforçant les réserves de change.
Urgence de diversification économique
L’incendie a souligné l’urgence de diversifier l’économie guinéenne, car la forte dépendance aux importations de pétrole représente un risque majeur. L’investissement dans les énergies renouvelables et l’augmentation de la production locale dans divers secteurs sont essentiels pour améliorer la résilience économique du pays.
Plan de riposte collaboratif, une dépendance économique exposée
Le gouvernement guinéen, en collaboration avec des partenaires financiers, envisage de mettre en place un plan de riposte global pour faire face aux conséquences de l’incendie de Kaloum. Ce plan devrait inclure des mesures immédiates pour la prise en charge des victimes, la reconstruction des infrastructures endommagées et la relance de l’économie. La Guinée révèle ainsi sa dépendance actuelle à l’assistance extérieure pour faire face à des crises majeures, exposant sa fragilité économique. Le Parlement joue un rôle essentiel dans cette situation, car le projet de loi de finances initiales pour 2024 est actuellement en cours d’examen au sein de l’institution. Il incombe au Parlement de veiller à ce que la loi de finances intègre pleinement le plan de riposte, garantissant ainsi une approche coordonnée et soutenue pour relever les défis économiques actuels.
Modernisation des Infrastructures
L’incident a également mis en évidence la nécessité critique d’améliorer les infrastructures, en particulier dans le secteur de l’énergie, tout en respectant des normes de sécurité strictes. Il a également souligné l’importance d’équiper et de former adéquatement les services de secours, notamment les pompiers, dont le rôle dépasse largement la simple lutte contre les incendies.
Coopération régionale
La Guinée doit envisager une coopération régionale renforcée pour sécuriser son approvisionnement en énergie et faciliter la construction de nouvelles infrastructures pétrolières. Cette coopération met en évidence l’importance de la solidarité et de la collaboration interétatique dans la gestion des crises et le développement économique.
Vers un avenir économique réinventé
L’incendie du dépôt de carburant de Kaloum marque un tournant pour la Guinée. Il expose les vulnérabilités de l’économie nationale, tout en offrant l’opportunité de repenser la stratégie économique du pays. Investir dans des infrastructures sûres, diversifier l’économie et renforcer la coopération régionale, sont des étapes cruciales vers un développement économique durable et résilient. Les réponses apportées à cette crise seront déterminantes pour la trajectoire économique future de la Guinée et influenceront de manière significative la société guinéenne, pour les générations à venir.
Par Amadou Tidiane Barry, Social program evaluator
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