Grand incendie de Conakry : paroxysme d’une mauvaise loi des séries (Éditorial)

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Le grand incendie meurtrier, survenu dans la nuit de dimanche à lundi dans le dépôt pétrolier de Kaloum, sur la corniche sud, prouve à suffisance que le sort continue de s’acharner sur les populations de la cité. Ainsi après l’évasion spectaculaire opérée à la maison centrale début novembre, suivie de la mise en berne des réseaux sociaux, à travers une restriction de l’internet, avec en sus le brouillage des ondes des radios à fortes audiences, l’incendie du dépôt pétrolier de Conakry vient d’en rajouter à cette mauvaise loi des séries.

Face à ce sinistre qui a tout d’un événement cygne noir, dont le bilan officiel serait de 13 morts et 158 blessés, le gouvernement essaie de prendre le taureau par les cornes, afin de venir à bout des flammes. Avec les moyens du bord.

Et Dieu seul sait que cette opération de riposte anti-incendie se passe de manière laborieuse, faute de moyens logistiques et humains. Le secteur de la protection civile étant le parent pauvre du département de la Sécurité. En effet, logés qu’ils sont à la mauvaise enseigne, nos pompiers sont traités comme une quantité négligeable.

Mal formés et payés en monnaie de singe, nos soldats du feu passent pour des traîne-savates, à côté de leurs homologues ivoiriens et sénégalais. Malgré cette vie austère, on ne peut que saluer la bravoure des agents de la protection civile et de leurs homologues des entreprises privées, qui ont pris de front ces flammes. Au péril de leurs vies.

Les interventions se poursuivent d’ailleurs, sans relâche, sur le site du dépôt incendié. En attendant l’arrivée annoncée de renforts du Mali et du Sénégal.

Pendant ce temps, la commune de Kaloum s’est quasiment vidée de ses habitants, dont la plupart ont trouvé refuge dans l’enceinte de la grande Mosquée Fayçal. Où des tentes de fortune ont été érigées par des secouristes et des bénévoles, déployés au chevet des sinistrés. Une grande chaîne de solidarité s’est formée pour la circonstance autour des populations affectées par ce drame. Initiative née de manière spontanée, grâce à la mobilisation de citoyens ayant le cœur sur la main.

Le gouvernement guinéen qui est en première ligne dans la gestion de ce sinistre, a décrété un jour « férié » pour ce lundi, à travers la fermeture des écoles et de l’administration publique.

D’autres mesures ont été prises dans cette foulée dont entre autres, « la mise en place d’une cellule de crise gouvernementale ; l’établissement d’un point d’évacuation de la population riveraine au Palais du peuple ; l’activation d’un plan d’urgence sanitaire dans le grand Conakry pour la prise en charge gratuite des blessés et des personnes affectées ; la fermeture des stations-services sur l’étendue du territoire national pour éviter la spéculation ».

Sans oublier « le recensement des besoins vitaux liés au carburant pour prévenir les ruptures possibles de l’approvisionnement de Conakry vers l’intérieur du pays ». Et c’est là le chiendent de cette affaire d’incendie. Car depuis la matinée de ce lundi, on assiste à une volatilité du marché des prix des carburants sur le marché noir. Avec le litre d’essence vendu dans certains endroits à 25 mille voire 50 mille francs guinéens. Comme pour dire que les spéculateurs entendent profiter de cette tragédie pour tirer leurs marrons du feu.

La situation risque d’empirer à l’allure où va le train. Vu que le dépôt de Conakry, d’une capacité de moins de 100 millions de litres, est le seul point de stockage de carburant dont dispose le pays.

Que celui-ci en vienne à être endommagé, suite à ce grave incendie, dont l’origine n’est pour le moment pas connue, il y a de quoi se faire du mouron. En attendant qu’il puisse trouver des solutions palliatives à cette crise, le gouvernement vient de se prendre en pleine figure cet adage qui dit je cite qu’« on ne doit pas mettre ses œufs dans un même panier ».

Cela relance d’ailleurs les débats sur le fameux projet de construction des deux dépôts pétroliers de Moribayah dans la préfecture de Forécariah. Pour le moment, on peut dire sans risque de se tromper que « le chemin est long du projet à la chose ». Pour parler bien sûr comme Molière.

Du moins si l’on s’en tient aux propos du directeur général de la Société nationale des pétroles (SONAP), M. Amadou Doumbouya. Qui, dans un entretien paru en novembre 2022 dans le magazine économique « Emergence », avait levé un coin du voile sur ces deux dépôts pétroliers devant sortir de terre du côté de Moribayah. Et qui auront une capacité de 140 mille m3 soit 140 millions de litres. Avec pour ambition d’atteindre à moyen terme les 200 millions de litres.

Le directeur général de la SONAP avait toutefois indiqué qu’ils en étaient encore aux études de faisabilité, avant le grand saut. D’après nos informations, les choses n’auraient pas tant évolué sur le site.

Même si cet incendie ne pourrait que booster cette délocalisation du dépôt pétrolier de Conakry. Quitte à réaliser le projet à marche forcée. Pour éviter que la crise de carburant n’ait une répercussion sur les prix des denrées de première nécessité, et pourquoi pas sur les biens et services. Quand on sait que cela commence déjà à affecter la mobilité des citoyens.

Car les Guinéens ont beau être dociles et résilients, quand ils n’auront plus de quoi se mettre sous la dent, les risques de convulsions sociales deviendront plus grands. Que Dieu nous garde d’en arriver à ce point de non-retour. Au gouvernement donc de faire preuve de savoir raison garder, en desserrant l’étau sur le peuple. Ce serait sa manière de contribuer à exorciser le mal qui continue de frapper la Guinée.

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