Eric Thiam pose le diagnostic de l’appareil judiciaire : sous effectif, vieillissement, manque d’infrastructures…

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Le président de la commission des lois au Conseil national de transition (CNT), Eric Thiam, a mis à nu la fragilité du système judiciaire guinéen. Entre insuffisance et vieillissement du personnel et manque d’infrastructures, il alerte sur la nécessité d’agir pour pallier le dysfonctionnement du secteur. Pour cela, le magistrat et conseiller propose des pistes de solution.

D’abord, il invite le gouvernement guinéen à ralentir la mise à la retraite des magistrats car le personnel est vieillissant. “De 1984 à 2004, il n’y a pas eu de formation des magistrats en Guinée. Ce qui explique que le personnel (greffiers et magistrats) est vieillissant. C’est à partir de 2004 qu’on a mis en place un centre de formation qui livre tous les deux ans 25 magistrats. L’avènement du CNRD est venu corriger cette situation en allant à 100 magistrats formés par an. Cela a commencé cette année [2023]. Ce qui est à saluer parce qu’en réalité nous avons besoin d’au minimum 1200 magistrats pour faire fonctionner les cours et tribunaux. Or, à date, on ne dispose que de 435 magistrats qui doivent faire le travail qui incombe à 1200 personnes. Si on se met encore à mettre ce personnel massivement à la retraite, on va paralyser rapidement le fonctionnement des cours et tribunaux”.

Pour corriger cette situation, il suggère l’organisation de la formation initiale de 150 magistrats par an et pendant 2 ans pour réduire le déficit des magistrats ; l’organisation de formation en cours d’emploi pour ceux des tribunaux d’instance pour qu’ils puissent assumer des fonctions à la Cour d’appel et ceux des cours d’appel afin qu’ils puissent assumer des fonctions à la Cour suprême.

“Il faut comprendre qu’on ne peut prendre un magistrat d’instance pour l’envoyer directement servir à la Cour d’appel, si entre temps, il n’a pas suivi de renforcement de capacités. Il faut maintenir ceux qui sont en fonction, le temps pour former les remplaçants. Sinon, c’est notre justice qui va à vau-l’eau. Elle va complètement être paralysée”, averti le magistrat, par ailleurs conseiller au CNT.

Sur le plan infrastructurel, il explique que la plupart des cours et tribunaux de la Guinée, excepté le tribunal de Dixinn où se déroule le procès du 28 septembre 2009, ne disposent que d’une seule salle d’audience. Cela dénote un manque criard par rapport aux besoins. “Lorsque vous prenez la Cour Suprême, elle a 9 chambres avec une salle d’audience. Alors qu’il faut un minimum de 4 salles pour que les délais de renvoi ne courent plus entre 2 et 3 mois. Et que ce soit drastiquement réduit. Il y a 5 jours de travail et une salle d’audience pour 9 chambres. Ce qui signifie que lorsqu’une chambre a statué ce mois-ci, il faut attendre que les autres statuent. Or, nous reprochons tous à la justice sa lenteur alors que ce sont les conditions objectives qui empêchent son fonctionnement normal. Lorsque vous prenez les cours d’appel c’est la même réalité, une seule salle d’audience pour 12 chambres”.

Dans des telles conditions, le magistrat s’interroge sur comment les tribunaux pourront-ils respecter les délais de procédure fixés par la Loi. “Tout cela est attribué au magistrat alors que ce sont les conditions objectives qui justifient le retard dans le traitement des dossiers. Il faut doter au moins trois salles d’audience pour les tribunaux d’instance, quatre pour les Cours d’appel et de même pour la Cour suprême si nous voulons que nos juridictions fonctionnent correctement”, conclu le conseiller devant ses pairs, dimanche 31 décembre 2023, en marge de la plénière consacrée à l’adoption de la Loi de finances initiale 2024.

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