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En Guinée, tôt samedi matin, au moins une demi-douzaine d’hommes lourdement armés se sont introduits au domicile de Mohamed Traoré, éminent avocat et ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée, l’ont agressé lui et sa fille, puis l’ont forcé à monter dans une voiture et l’ont emmené. Mohamed Traoré avait publiquement critiqué la junte militaire, au pouvoir depuis septembre 2021.
Après son enlèvement dans la capitale du pays, Conakry, Mohamed Traoré a été retrouvé quelques heures plus tard, présentant de nombreuses traces de torture, à Bangouyah, à environ 170 kilomètres de là, par des habitants de la ville. Le Barreau de Guinée a indiqué qu’il était soigné dans un établissement de santé.
L’enlèvement et l’agression de Mohamed Traoré s’inscrivent dans une série d’attaques menées par les forces de sécurité gouvernementales contre des détracteurs de la junte, des dissidents et des opposants politiques.
Lundi, en réponse à cette attaque, les avocats du Barreau de Guinée ont adopté une série de mesures, notamment le boycott de toutes les audiences pendant deux semaines et le retrait de tous les avocats siégeant dans les institutions de transition mises en place par la junte depuis le coup d’État. Ils ont également annoncé qu’ils allaient porter plainte.
Dans un communiqué du 21 juin, le Barreau de Guinée a déclaré que pendant sa captivité, Mohamed Traoré avait été « fouetté » jusqu’à 500 fois, que son visage avait été « couvert de force à l’aide d’un habit dans une tentative manifeste de l’asphyxier » et que ses ravisseurs l’avaient menacé de mort.
Cette attaque pourrait constituer une mesure de représailles suite à la démission de Mohamed Traoré du Conseil national de transition (CNT), principal organe de transition de la junte, au sein duquel il occupait le poste de conseiller depuis 2022. Mohamed Traoré avait annoncé sa démission en janvier, invoquant le non-respect par le CNT du délai fixé pour le retour à un régime civil en Guinée, précédemment annoncé pour le 31 décembre 2024.
L’expiration de ce délai a déclenché des manifestations de l’opposition qui ont paralysé Conakry en janvier. À la suite des manifestations, les autorités ont annoncé un nouveau calendrier électoral. Le 1er avril, le chef militaire guinéen, Mamady Doumbouya, a fixé au 21 septembre 2025 la date d’un nécessaire référendum constitutionnel. Le 12 mai, le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé que l’élection présidentielle aurait lieu en décembre 2025.
Depuis sa prise du pouvoir, la junte a réprimé l’opposition politique, les médias et la dissidence pacifique. Elle a suspendu des médias indépendants, arrêté arbitrairement des journalistes et fait disparaître de force et aurait torturé d’éminents militants politiques.
Les autorités guinéennes devraient mener dans les meilleurs délais une enquête crédible et impartiale sur l’enlèvement et la torture de Mohamed Traoré. Elles devraient également dénoncer publiquement les abus commis à l’encontre des détracteurs et des opposants, et veiller à ce que leurs auteurs soient traduits en justice.
Chercheuse senior sur le Sahel pour Human Right Watch