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Dans un entretien accordé à Guinee360, le Dr Ben Youssouf Kéita, médecin généraliste et chirurgien, tire la sonnette d’alarme sur un mal silencieux mais redoutable : le cancer de la prostate. Il insiste sur l’importance du dépistage précoce dès 45 ans, et dénonce l’absence d’une vraie politique de prévention en Guinée, malgré la progression inquiétante de la maladie.
Guinee360 : C’est quoi le cancer de la prostate?
Ben Youssouf Keita : Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il est suivi du cancer du poumon, puis de celui du côlon. Un cancer, de manière générale, est une prolifération anarchique de cellules dans un organisme, pouvant entraîner la formation d’une tumeur. Le cancer de la prostate, quant à lui, se développe au niveau de la prostate et peut affecter les fonctions urinaires. S’il n’est pas détecté et traité à temps, il peut entraîner des métastases, c’est-à-dire la propagation du cancer à d’autres organes, ce qui peut être fatal.
Quelle est la principale cause du cancer de la prostate ?
Il existe ce qu’on appelle des causes idiopathiques, c’est-à-dire non connues. Cependant, il y a des prédispositions génétiques. Par exemple, si un père, un oncle paternel ou un grand-père a souffert du cancer de la prostate, il y a un risque accru pour les descendants masculins d’en souffrir également. En plus de cela, le tabagisme et la consommation excessive d’alcool affaiblissent le système immunitaire, ce qui peut favoriser le développement de plusieurs types de cancers, y compris celui de la prostate et du poumon. Il n’existe pas de cause unique et spécifique au cancer de la prostate, mais une chose est certaine : tout homme, en vieillissant, est susceptible d’avoir des problèmes de prostate. À partir de 45 ans, la prostate commence naturellement à grossir chez tous les hommes. Cela peut évoluer de manière bénigne ou, chez certains, dégénérer en cancer. C’est pourquoi, le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme, suivi par le cancer du poumon, notamment chez les grands fumeurs.
Et quelles sont les conséquences sur la santé d’une personne atteinte du cancer de la prostate ?
Lorsque le cancer de la prostate, notamment l’adénocarcinome, se développe, il peut entraîner des métastases. Cela signifie que des cellules cancéreuses peuvent se propager vers d’autres parties du corps, comme les os, les poumons, le bassin, les ganglions lymphatiques, et parfois même le côlon. Le cancer peut également envahir la vessie. Cette progression affecte la fonction urinaire : le patient ressent le besoin fréquent d’uriner, y compris la nuit. Dans les cas avancés, un blocage peut survenir, empêchant la vessie de se vider, ce qui représente une urgence médicale. Et dans sa forme la plus grave, si le cancer n’est pas pris en charge à temps, il peut entraîner la mort du patient.
Quels sont les signes ou les symptômes à surveiller ?
Le cancer de la prostate évolue de manière silencieuse et insidieuse. C’est pourquoi, à partir de 50 ans, il est fortement recommandé que chaque homme consulte un urologue au moins une fois par an. Trois examens clés permettent de détecter d’éventuels problèmes :
Le toucher rectal : il permet d’évaluer la taille de la prostate et de vérifier sa consistance.
Le dosage du PSA (Prostate Spécifique Antigène)
Un taux élevé peut indiquer une anomalie, notamment un début de cancer.
L’échographie de la prostate : elle permet d’observer l’état général de la glande.
Si ces examens révèlent une suspicion, une biopsie peut être pratiquée pour confirmer ou non la présence d’un cancer. Il faut noter que lorsque les symptômes commencent à apparaître (difficultés à uriner, douleurs, etc.), c’est souvent que le cancer est déjà à un stade avancé, rendant le traitement plus complexe.
Tout à l’heure vous parlez d’âge. Dites-nous à quel moment un homme devrait-il commencer à se faire dépister?
À partir de 45 ans, si l’homme ne va pas faire le toucher rectal, évaluer son taux de PSA (Prostate spécifique antigène ) dans le sang. Normalement, c’est de 0,1 à 0,4. Quand ça dépasse cela, ça signifie qu’il y a un problème. On va chercher à savoir maintenant si ce n’est pas un cancer. Ça part de 40 ans. Mais quand vous avez 50 ans en avant, normalement, chaque année, ou chaque 3 ans à la rigueur, vous devez aller chez l’urologue pour examiner votre prostate à travers le toucher rectal. Et si vous avez le moyen, alors vous pouvez faire l’échographie. C’est aussi simple que ça. Parce qu’une fois de plus, chez tout homme, au fur et à mesure que vous avancez en âge, la prostate augmente de volume. Maintenant, pour ne pas que ça soit un cancer, que ça vous surprenne, allez en consultation. Sinon, ça peut être un adénome bénin.
En dehors du toucher rectal et de l’échographie, quels sont les autres moyens utilisés pour diagnostiquer avec précision le cancer de la prostate ?
Le diagnostic définitif se fait par biopsie. C’est cet examen qui permet de confirmer s’il s’agit bien d’un cancer, et surtout de déterminer le type de cellules cancéreuses en présence. La biopsie permet aussi de savoir s’il s’agit d’un cancer peu agressif, qui évolue lentement et peut permettre au patient de vivre longtemps sans complications majeures, ou d’un cancer agressif, qui progresse rapidement, provoque des métastases et nécessite une prise en charge immédiate, parfois avec de la chimiothérapie.
Est-ce que tous les cas de cancer de la prostate doivent être traités dès leur détection ?
Pas forcément. Cela dépend du type de cellules révélé par la biopsie. Le type le plus fréquent est le carcinome. Lorsqu’il est agressif et invasif, il faut intervenir rapidement, souvent par une chirurgie. En revanche, s’il est peu agressif, un traitement progressif peut être envisagé, parfois sur plusieurs années, avant de recourir à une chirurgie si nécessaire.
Quels sont les effets secondaires les plus fréquents du cancer de la prostate et de ses traitements ?
Les effets secondaires les plus courants liés au cancer de la prostate, ou à ses traitements, sont notamment l’incontinence urinaire et, dans certains cas, une rétention urinaire due à un blocage. Une autre manifestation fréquente est la pollakiurie nocturne (le besoin fréquent d’uriner la nuit). Par exemple, un homme atteint peut être amené à se lever plusieurs fois dans la nuit 4, 5, voire 6 fois car la tumeur exerce une pression sur la vessie, provoquant une envie constante d’uriner. Mais à chaque fois, la quantité d’urine est faible et l’émission peut nécessiter un effort. Cette situation perturbe sérieusement le sommeil, la qualité de vie, la sexualité et les relations conjugales. Si le cancer n’est pas diagnostiqué et pris en charge à temps, il peut évoluer vers des métastases, compromettant gravement la vie du patient.
Quel est l’espoir de guérison ou d’évolution pour un patient chez qui le cancer de la prostate est diagnostiqué à un stade précoce ?
Le pronostic est très bon lorsqu’un cancer de la prostate est détecté à un stade précoce. À ce niveau, la tumeur est généralement localisée, c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore commencé à se propager à d’autres organes. Cela permet de mettre en place rapidement un traitement efficace comme la chirurgie (prostatectomie), la radiothérapie ou encore, dans certains cas, une surveillance active sans traitement immédiat. Comme pour le cancer du sein, plus le dépistage est réalisé tôt, meilleures sont les chances de guérison complète. Le patient a ainsi la possibilité de préserver une bonne qualité de vie, d’éviter des traitements lourds et de limiter les risques de métastases ou de récidive. Le suivi médical régulier est aussi essentiel pour adapter la prise en charge en fonction de l’évolution.
Quelles sont les meilleures pratiques pour réduire le risque de développer un cancer de la prostate ?
La prévention du cancer de la prostate repose sur deux piliers essentiels : une bonne hygiène de vie et un dépistage régulier. D’abord, il est important d’adopter un mode de vie sain. Cela inclut une alimentation équilibrée, riche en fruits, légumes, fibres, et pauvre en graisses saturées. Il faut éviter la consommation excessive de viandes rouges et transformées, qui sont souvent associées à un risque accru de cancer. La modération dans la consommation d’alcool et l’arrêt du tabac sont également cruciaux, car ces substances affaiblissent le système immunitaire et favorisent le développement de nombreuses maladies, y compris certains cancers. Ensuite, à partir de 45 ans ou même plus tôt en cas d’antécédents familiaux, il est fortement recommandé d’effectuer un dépistage annuel. Cela comprend :
– Le toucher rectal, qui permet au médecin d’évaluer la taille, la consistance et d’éventuelles anomalies de la prostate ;
– Le dosage du PSA (prostate spécifique antigène ), un marqueur sanguin qui peut révéler des anomalies, même en l’absence de symptômes ;
– Et si nécessaire, une échographie prostatique pour obtenir une image plus précise de l’état de la prostate.
En résumé, une bonne hygiène de vie et un dépistage régulier sont les clés pour prévenir ou détecter tôt un cancer de la prostate.
Comment soutenir psychologiquement un patient atteint du cancer de la prostate, notamment face aux impacts physiques et émotionnels du traitement ?
Une fois le diagnostic du cancer de la prostate posé, il est essentiel de rassurer le patient : avoir un cancer ne signifie pas automatiquement la mort. Il faut lui expliquer calmement le type de cancer dont il souffre, selon les résultats de la biopsie, et lui présenter les options thérapeutiques : chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, selon le cas. En cas d’ablation de la prostate, il faut préparer le patient aux éventuelles conséquences : une baisse de la fonction sexuelle est possible, notamment à cause de la suppression du liquide séminal, indispensable à la fertilité. Cela signifie qu’après l’opération, il se peut qu’il ne puisse plus avoir d’enfants. Il faut aussi lui expliquer que deux nerfs importants passent près de la prostate ; s’ils sont affectés pendant l’intervention, cela peut entraîner une baisse, voire une perte temporaire de la libido. Dans certains cas, cette fonction peut revenir avec le temps. L’accompagnement psychologique consiste donc à écouter, informer avec tact, et proposer un suivi psychologique, sexologique et parfois conjugal, pour l’aider à traverser cette période sans se sentir seul ou diminué.
En tant que médecin, quelles recommandations feriez-vous aux autorités pour renforcer la prévention et la prise en charge du cancer de la prostate en Guinée ?
La première chose, c’est l’information et la sensibilisation, comme vous le faites en ce moment. Il est important de faire comprendre à la population qu’aucun homme ne peut dépasser les 70 ans sans avoir, à un moment donné, une tumeur de la prostate. Cela ne signifie pas forcément un cancer, mais la prostate va forcément grossir avec l’âge. Il faut donc savoir si cette tumeur est bénigne ou maligne. Ce type de tumeur évolue souvent sans douleur. Les signes peuvent être très discrets, comme le fait d’uriner plus fréquemment que d’habitude. C’est pourquoi il est essentiel d’encourager les hommes, à partir de 45 ans, à consulter un urologue pour un toucher rectal, un dosage du PSA, et une échographie si nécessaire. J’invite donc les autorités à utiliser les médias publics et privés pour informer et sensibiliser massivement. Mais au-delà de l’information, il faut aussi agir sur le plan financier. L’État devrait contribuer à réduire le coût de la prise en charge du cancer de la prostate, notamment en subventionnant les examens et traitements essentiels. Car ce cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité par cancer chez les hommes.
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