Bah Oury ou le prototype de l’homme politique guinéen (Madiba kaba)

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Bah Oury est une figure emblématique et complexe de la scène politique guinéenne. Autrefois fervent défenseur des droits de l’homme, de la démocratie, de la limitation des mandats et farouchement opposé aux transitions indéfinies, il occupe aujourd’hui le poste de Premier ministre de la transition dirigée par le général Mamadi Doumbouya. Cette nomination a suscité l’espoir parmi de nombreux Guinéens, qui voyaient en lui une bouffée d’oxygène dans un contexte politique souvent étouffant. Pourtant, l’évolution de Bah Oury au sein de cette transition révèle des paradoxes troublants et met en lumière les dynamiques complexes du pouvoir en Guinée.

Son arrivée au sein du gouvernement de transition fut accueillie avec optimisme par ses concitoyens, fatigués par les incertitudes politiques et les transitions interminables. Beaucoup y voyaient le signe d’un renouveau, une promesse de stabilité et de réforme dans un pays marqué par des décennies de troubles politiques. Cependant, cette lueur d’espoir s’est rapidement ternie. Bah Oury semble désormais englouti dans la mare des gros caïmans du CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement), ces puissants acteurs politiques qui refusent catégoriquement toute mention du retour à l’ordre constitutionnel.

L’ancien démocrate, autrefois inébranlable dans ses principes, s’est métamorphosé en un défenseur acharné de la prolongation de la transition. Il proclame aujourd’hui, haut et fort, que trois ans de transition ne suffisent pas pour permettre au CNRD de rendre le pouvoir. Selon lui, il faut accorder davantage de temps au général Doumbouya pour préparer le chemin vers une Guinée nouvelle. Cette position contraste violemment avec celle qu’il tenait en 2009, lorsqu’il était dans la rue, mobilisant les Guinéens pour exiger le départ de Dadis Camara, alors chef de la junte, qui souhaitait une transition indéfinie sanctionnée par sa candidature à la présidence.

Ce revirement spectaculaire a semé le doute et la confusion parmi ses partisans et au sein de l’opinion publique. Comment un homme, autrefois symbole de résistance et de changement, peut-il désormais prôner une prolongation de la transition militaire qu’il aurait autrefois dénoncée avec véhémence? Cette question mérite d’être explorée à la lumière des dynamiques politiques complexes de la Guinée et des défis personnels et politiques auxquels Bah Oury a été confronté.

La trajectoire de Bah Oury n’est pas unique dans l’histoire politique guinéenne. Nombreux sont ceux qui, portés par des idéaux démocratiques et des ambitions de réforme, se retrouvent finalement compromis par les réalités du pouvoir. La politique en Guinée, comme dans de nombreux pays, est souvent un jeu de compromis, de pressions et de négociations, où les convictions peuvent être mises à l’épreuve par les impératifs du moment.

Il est crucial de comprendre que Bah Oury, en tant que Premier ministre de la transition, doit naviguer dans un environnement politique extrêmement complexe et souvent hostile. Le CNRD, composé de militaires et de politiciens aguerris, n’est pas un bloc monolithique facile à influencer ou à réformer. Les ambitions personnelles, les intérêts claniques et les dynamiques de pouvoir au sein du CNRD rendent toute tentative de réforme particulièrement ardue. Dans ce contexte, Bah Oury peut percevoir la prolongation de la transition comme une nécessité pragmatique plutôt que comme une trahison de ses idéaux.

Néanmoins, ce pragmatisme apparent n’efface pas les critiques légitimes quant à la direction actuelle de la transition. Le peuple guinéen, échaudé par les promesses non tenues et les cycles incessants de transition et de stagnation, mérite des réponses claires et une feuille de route précise vers le retour à l’ordre constitutionnel. La prolongation de la transition, sans des garanties claires de réforme et de démocratisation, risque de renforcer la méfiance et le cynisme parmi la population.

Bah Oury se trouve à une croisée des chemins. Il peut soit rester une figure controversée, perçue comme ayant trahi ses idéaux pour le pragmatisme politique, soit travailler à regagner la confiance de ses concitoyens en défendant fermement et clairement une transition vers un gouvernement civil démocratiquement élu. Pour ce faire, il devra faire preuve de courage, de vision et de détermination, des qualités qui l’ont autrefois distingué en tant que fervent défenseur des droits de l’homme et de la démocratie.

L’histoire politique de la Guinée est marquée par des figures comme Bah Oury, dont les trajectoires sont emblématiques des défis et des contradictions de la lutte pour la démocratie dans un contexte de pouvoir militaire. Le chemin vers une Guinée véritablement démocratique et stable est long et semé d’embûches, mais il est impératif que les dirigeants actuels, y compris Bah Oury, gardent à l’esprit les aspirations et les espoirs du peuple guinéen. Leur légitimité et leur place dans l’histoire dépendront de leur capacité à répondre à ces aspirations avec intégrité et vision.

Madiba Kaba

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