Application du prélèvement forfaitaire de 20%: et si les exigences de l’administration fiscale étaient non conformes à la loi ? (Par Mohamed Kaba)

il y a 3 heures 41
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A la date du 24 décembre 2024, le Directeur General des Impôts, a adressé un courrier aux Directeurs Généraux et Gérants de sociétés mais également aux Gérants de cabinets conseils leur invitant à appliquer à partir du 1er janvier 2025, un prélèvement forfaitaire au taux de 20% sur « tous les paiements au bénéfice des contribuables non immatriculés auprès de l’administration fiscale ou n’étant pas à jour de leurs obligations fiscales », soutenant comme base légale de cette supposée nouveauté les dispositions de l’article 251 du code général des impôts, modifiées et complétées par la loi de finances rectificatives pour 2022.

Pour justifier cette nouvelle mesure, l’administration fiscale vise les articles 251. I. 4 et 251. II. 3 du code général des impôts qui disposent :

➢ « …les importations, exportations, vente et prestation de service des personnes physiques ou morales non connues de l’administration fiscale ou celles qualifiées de défaillants chroniques indépendamment de l’acompte sur les bénéfices industriels et commerciaux » ;

➢ « Le taux du prélèvement est de …20% pour les opérations visées au 4° du I ».

En effet, l’analyse de ces dispositions permet de comprendre que le législateur vise, pour l’application du taux du prélèvement forfaitaire de 20%, les contribuables non immatriculés aux impôts, faisant référence aux « personnes morales non connues de l’administration fiscale » ; et aux contribuables qui sont en revanche connues du Service des impôts, mais qui ne s’acquittent presque pas de leurs obligations fiscales, en désignant « les défaillants chroniques ».

Or, l’administration fiscale dans son courrier exige aux sociétés et conseils, l’application du taux du prélèvement forfaitaire de 20% aux contribuables n’ayant pas de NIF ou ne disposant pas d’un NIF et quitus à jour au moment du paiement de leurs factures.

Il ressort de cette lecture une contradiction évidente entre la lettre de l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2022 instituant cette disposition et le courrier de l’administration fiscale en date du 24 décembre 2024.

Si l’esprit de cette disposition est à saluer pour étendre l’assiette imposable et exiger des contribuables dans l’informel à régulariser leur situation auprès du Service des impôts, l’invite du Directeur général quant à l’application de la mesure aux contribuables qui n’ont pas leur NIF et quitus fiscal à jour, viole non seulement les dispositions de la loi mais aussi laisse entrevoir une confusion et une panique chez bon nombre de contribuables qui payent régulièrement les impôts et taxes dont ils sont assujettis mais dont les NIF et quitus restent bloqués, soit en raison d’un contentieux pendant avec l’administration fiscale ou d’une défaillance de la plateforme Etax.

Ainsi, en exigeant l’application d’un prélèvement de 20% aux contribuables dont les NIF et quitus ne sont pas disponibles, bien que connus de l’administration fiscale, on fait application d’une mesure non conforme à la loi sans jauger les conséquences que cela engendre dans les relations entre acteurs commerciaux.

De manière pratique, peut-on considérer un contribuable payant régulièrement ses impôts et taxes, mais en attente du renouvellement de son NIF et quitus, soit du fait d’un contentieux en attente de décision ou d’un souci technique lié à la plateforme Etax comme non connu de l’administration fiscale ou défaillant chronique ?

La réponse est évidemment non.

Par conséquent, pour une préservation du climat des affaires, même s’il est du rôle de l’administration fiscale de rappeler l’application d’une mesure déjà en vigueur, il serait judicieux de revoir ce courrier et se conformer à la lettre et l’esprit de l’article 7 de la loi de finances rectificatives pour 2022 afin d’éviter de pénaliser des contribuables à jour de leurs obligations fiscales qui, pour une raison ou pour une autre n’arrivent pas renouveler leur NIF et quitus du fait des circonstances exposées ci-dessus.

Mohamed KABA
Juriste- Droit des affaires
Droit comparé appliqué
Consultant juridique et Fiscal

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